Comment les divisions au sein de la coalition sud-africaine compromettent-elles l’avenir budgétaire du pays ?


**Budget annulé : La fragilité d’une coalition face à des choix fiscaux cruciaux en Afrique du Sud**

La scène politique sud-africaine prend en cette année 2024 une tournure inattendue et révélatrice des défis auxquels le pays se confronte. La récente annulation du discours budgétaire prononcé par Enoch Godongwana, ministre des Finances, dans un contexte de désaccord au sein du gouvernement de coalition, marque un tournant sans précédent dans l’Afrique du Sud post-apartheid. Ce contentieux autour de la politique fiscale met en lumière non seulement les divergences idéologiques au sein de la coalition gouvernementale, mais également le fragile équilibre de la démocratie sud-africaine.

### Un budget sur la sellette

La question de la hausse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) illustre les tensions cryptiques au sein de l’ANC, le parti historique de Nelson Mandela, qui a, pour la première fois depuis des décennies, perdu sa majorité absolue. L’augmentation de la TVA, projetée pour passer de 15 à 17%, vise à compenser des recettes fiscales en déclin, butant cependant sur l’opposition farouche des partenaires de coalition, comme l’Alliance Démocratique (DA), qui prône une réduction des dépenses publiques plutôt qu’une hausse des taxes.

Il est intéressant de rappeler que l’ANC, qui a longtemps été le pilier du progrès socio-économique en Afrique du Sud, semble désormais piégée dans une trappe où ses politiques de redistribution sont minées par un besoin urgent de financement. Les recettes fiscales représentent une préoccupation majeure, car le pays fait face à des défis d’infrastructure, des niveaux de pauvreté alarmants, et une crise énergétique persistante qui laissent présager un avenir incertain.

### Une coalition sous tension : un modèle pour l’Afrique ?

La nature même de ce désaccord illustre la complexité des coalitions politiques dans un contexte démocratique moderne. La répartition des pouvoirs et les conflits idéologiques représentent un défi non seulement pour l’ANC, mais pour l’ensemble de la gouvernance africaine. Bien que les gouvernements de coalition soient courants dans divers pays d’Europe, l’Afrique du Sud, avec son passé tumultueux, doit naviguer dans des eaux bien plus troubles.

En comparant cette situation à d’autres démocraties, on peut envisager le modèle néerlandais ou suédois, où les coalitions sont fréquemment requises pour assurer la gouvernance. Cependant, ces pays présentent également des systèmes de protection sociale plus larges et des politiques fiscales sophistiquées qui favorisent une collaboration mutuelle. L’Afrique du Sud, en revanche, semble prise entre un désir de maintenir les promesses électorales de l’ANC et les exigences rigoureuses d’un avenir économique viable.

### Les répercussions d’une crise budgétaire

L’absence d’un nouveau budget entraîne des conséquences tangibles pour la population sud-africaine. Les services publics et les projets de développement sont à un point mort, entraînant des retards qui affectent directement la vie quotidienne des citoyens. Le discours du ministre Godongwana, qui aurait dû aborder notamment les dépenses essentielles à la santé, à l’éducation et à l’infrastructure, reste en suspens, créant un vide de gouvernance que beaucoup de Sud-Africains ressentent déjà.

### Vers un nouveau paradigme fiscal

Dans une Afrique du Sud où les inégalités sont criantes et où le chômage touche plus d’un tiers de la population, le débat sur la fiscalité doit évoluer. L’option de prélever une taxe sur les grandes fortunes pourrait n’être qu’une solution parmi d’autres pour rendre la politique fiscale plus inclusive et juste. Cependant, l’angoisse des partis face à une potentielle fuite des capitaux est palpable. Cette crainte n’est pas infondée, comme l’illustrent des exemples en Argentine et au Venezuela, où des politiques fiscales abruptes ont entraîné des décennies d’instabilité économique.

Il s’agit alors de créer un cadre de dialogue sécurisé permettant d’envisager cette alternative tout en sécurisant les investissements. Une mise en place des étapes graduelles pour l’introduction de ces taxes pourrait fluidifier l’adhésion des entreprises tout en répondant aux besoins urgents du pays.

### Conclusion : Une responsabilité partagée

La crise actuelle du budget apporte à la surface des enjeux plus larges que de simples questions d’impôts. Elle révèle la nécessité pour le gouvernement de coalition de se rassembler autour d’une vision commune pour l’avenir de l’Afrique du Sud. Le défi sera de transformer des débats en actions, et de catalyser un dialogue qui transcende les clivages partisan. Le risque est élevé, car l’échec à s’unir pourrait conduire à une désillusion croissante du public, sapant ainsi la foi en une démocratie déjà fragile.

Face à des enjeux aussi urgents, l’Afrique du Sud doit relever la tête et se confronter à une réalité : la vraie richesse d’une nation réside non pas uniquement dans ses finances, mais dans sa capacité à unir ses citoyens autour d’un avenir commun, durable et inclusif.