**Guinée : Entre immersion gouvernementale et manœuvres électorales, une analyse du paysage politique en mutation**
La Guinée, à la croisée des chemins, vit une période charnière, marquée par un cadre politique en pleine évolution suite à la prise de pouvoir des militaires. La récente tournée de « l’immersion » gouvernementale dans l’intérieur du pays, pilotée par le Premier ministre Bah Oury, soulève des interrogations sur les véritables intentions derrière cette initiative. Si le gouvernement avance l’argument de connaître les « réalités du terrain » afin de mieux planifier l’avenir, cette démarche ne ressemble-t-elle pas plus à une manœuvre en faveur du général Mamadi Doumbouya qu’à une réelle stratégie de développement national ?
### Une initiative ambiguë
Lors de cette tournée, le chef du gouvernement et ses ministres se sont engagés à inaugurer des projets ambitieux comme l’ouverture d’une cité administrative et le développement de l’accès numérique. Cependant, le fait que ces projets soient tout autant associés à la vision du général Doumbouya crée une atmosphère ambiguë. Les observations des acteurs de la société civile, tels que Ibrahima Aminata Diallo, mettent en lumière un fait essentiel : cette immersion pourrait masquer une campagne électorale anticipée.
Un pays comme la Guinée, qui a connu des transitions politiques tumultueuses, est particulièrement sensible à l’émergence de discours et de stratégies visant à légitimer le pouvoir en place. Le général Doumbouya, aux commandes depuis la junte militaire, semble jouer sur cette dynamique pour consolider son pouvoir, surtout avec un retour à l’ordre constitutionnel annoncé, mais pas encore clairement défini.
### Un retour à l’ordre constitutionnel : des promesses à la réalité
L’annonce d’un processus électoral pour 2025 va de pair avec un climat d’incertitude, exacerbée par les déclarations contradictoires du gouvernement. Ce flou stratégique pourrait être une réponse à la nécessité de gagner du temps tout en maintenant le contrôle sur les affaires du pays. En effet, les périodes de transition dans d’autres pays africains, comme le Mali ou le Burkina Faso, montrent que des gouvernements militaires peuvent prolonger leur légitimité en orchestrant des tournées de sensibilisation tout en freignant le processus démocratique.
### L’influence de l’immersion sur la perception du pouvoir
Il est intéressant de noter que ces visites dans les régions, outre les promesses de projets, permettent au gouvernement de prendre le pouls de la population. Des enquêtes et études de satisfaction réalisée par des organisations indépendantes pourraient apporter un éclairage fascinant sur la perception des Guinéens vis-à-vis de cette tournée. Le décalage entre les attentes de la population et les réalisations effectives pourrait constituer un indicateur de l’assise réelle du pouvoir de Doumbouya et de son gouvernement.
### Comparaison avec d’autres transitions politiques
D’autres pays ayant connu récemment des transitions militaires peuvent servir de référence pertinente. Prenons le cas du Soudan, où une évolution similaire a vu des leaders militaires naviguer entre promesses et réalité sur le retour à un gouvernement civil. En ce sens, l’expérience de la Guinée pourrait également susciter un débat sur la viabilité de ces immersions comme véritable instrument de développement national ou comme simple façade d’une politique électorale déguisée.
### La nécessité d’une transition transparente
Réfléchir à l’avenir de la Guinée implique de poser les bonnes questions. La transparence est cruciale. Quelles sont les véritables intentions du gouvernement ? Les engagements pris lors de ces immersions se concrétiseront-ils ? Les acteurs de la société civile et les partis d’opposition jouent un rôle essentiel dans la surveillance de ces évolutions, non seulement pour garantir un retour à l’ordre constitutionnel mais aussi pour s’assurer que la voix du peuple reste au centre des décisions.
En conclusion, la Guinée se trouve à un carrefour. La période d’immersion, bien que prônée comme une ouverture vers les réalités locales, pourrait bien ne servir que d’outil de légitimation pour un régime militaire cherchant à consolider son pouvoir. À l’aube de cette transition, les véritables enjeux ne se limiteront pas aux engagements promis, mais résideront dans la capacité du peuple guinéen à revendiquer une démocratie véritablement participative, en défendant des processus transparents et inclusifs. Le vrai défi réside dans la manière dont le gouvernement répondra à ces attentes.