Le retour de l’héritage de Thomas Sankara mobilise la population burkinabè face à l’instabilité et à l’insécurité.


**Burkina Faso : Le Retour du Légendaire Thomas Sankara dans un Contexte de Crise**

Au cœur de la tourmente, où l’instabilité et l’insécurité semblent dominer le quotidien des Burkinabè, la figure de Thomas Sankara ressurgit avec une intensité palpable. Cette résurgence ne se limite pas à une simple nostalgie, mais s’inscrit dans une narrative politique complexe, orchestrée par le capitaine Ibrahim Traore, actuellement aux commandes d’un pays en proie à des défis majeurs.

### Un Héros du Passé

Thomas Sankara, au-delà d’être un leader charismatique, est souvent décrit comme « l’Che Guevara africain », incarnant une vision audacieuse d’un Burkina Faso souverain, émancipé des chaînes de l’impérialisme. Monté au pouvoir en 1983, Sankara a promulgué des réformes profondes tant sur le plan économique que social, défendant la solidarité et l’autosuffisance. Trente-six ans après sa mort tragique, les jeunes Burkinabè, comme Timoté, 22 ans, trouvent dans son héritage une source d’inspiration et un idéal à revendiquer dans un contexte de crise grandissante.

### Une Symbole de Résilience

L’inauguration d’un mausolée dédié à Sankara à Ouagadougou, soutenue par le régime de Traore, témoigne d’une tentative de rallier le peuple autour d’un symbole commun. Les déclarations de Traore, le présentant comme le « nouveau Sankara », et l’utilisation de slogans révolutionnaires, rappellent à la fois les aspirations de l’époque révolutionnaire et une volonté de rassembler la population fraichement touchée par une décennie d’instabilité politique et de violence.

Le Premier ministre Jean Emmanuel Ouédraogo a affirmé que le mausolée vise à « garder la flamme de la révolution vivante », soulignant l’importance de l’héritage de Sankara comme élément fédérateur face aux menaces contemporaines. Cependant, cette revitalisation du mythe de Sankara soulève des questions sur la manière dont les forces militaires au pouvoir interprètent réellement cet héritage face à la réalité de la gouvernance actuelle.

### Les Ombres de l’Instabilité

Malgré cette récupération symbolique, le pays fait face à des défis considérables. Plus de 60 % du territoire est hors de contrôle gouvernemental, on dénombre plus de 2 millions de personnes déplacées et près de 6,5 millions de Burkinabè ont besoin d’une assistance humanitaire.

Dans ce cadre, le contraste entre le rassemblement festif à Ouagadougou et la tension omniprésente dans d’autres régions du pays met en lumière une dualité troublante. Les témoignages de résidents comme l’étudiant de Dori, qui évoque la nécessité de faire preuve de prudence dans ses déplacements, ou le professeur de l’est, qui parle d’un Burkina Faso scindé entre vie nocturne active dans certaines zones et des rues désertes et inquiétantes dans d’autres, illustrent les fractures qui traversent la société.

### La Complexité de la Réalité

Les pratiques du régime de Traore, caractérisées par des accusations de censure et de répression de voix dissidentes, interpellent également. Ainsi, même si la récupération de l’héritage de Sankara vise à galvaniser les forces vives du pays, elle pourrait masquer un besoin urgent de véritable dialogue et de gouvernance inclusive. La célébration de Sankara doit-elle mener à une nostalgie stérile ou peut-elle ouvrir la voie à des réflexions profondes sur les leçons à tirer de son époque et sur les défis contemporains?

### Réflexions Pour l’Avenir

La promenade à travers le mausolée de Sankara illustre le désir d’un avenir libre et autogéré, mais ce processus ne doit pas occulter la nécessité d’une réponse pragmatique et collective face à la crise sécuritaire actuelle. Si la mémoire de Thomas Sankara continue d’inspirer, il est essentiel que les leaders d’aujourd’hui écoutent et intègrent les préoccupations des Burkinabè au-delà du symbole. Une introspection collective sur le sens de l’héritage de Sankara pourrait être une voie pour renforcer l’unité et la résilience face aux défis actuels.

En conclusion, alors que le Burkina Faso navigue dans des eaux tumultueuses, l’héritage de Thomas Sankara pourrait servir non seulement de symbole, mais aussi de guide pour une réconciliation nationale. Comment ce pays peut-il, tout en honorant son passé, bâtir un avenir où chaque voix, chaque inquiétude et chaque aspiration seront prises en compte dans la quête d’une véritable souveraineté et d’une paix durable ? Cela reste à être défini par le peuple lui-même, à travers une démarche participative et éclairée.

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