Comment le rapport français sur la colonisation du Cameroun pourrait-il influencer les possibilités de réconciliation entre les deux nations ?


### La France et le Cameroun : Un rapport, deux histoires à raconter

Alors que la France dévoile les conclusions d’un rapport sur son implication dans la répression des mouvements indépendantistes camerounais, une question demeure au cœur des débats : la réconciliation des mémoires est-elle réellement possible lorsque l’héritage d’un passé tumultueux est porteur de tensions et de silences ? Ce document, présenté au président Paul Biya, promet d’ouvrir un chapitre d’une mémoire longtemps refoulée, mais il suscite également une défiance palpable. Cet article examinera non seulement les implications de ces révélations, mais aussi les dynamiques plus larges du post-colonialisme qui se manifestent à travers cette étude.

#### Un passé colonial répressif : des échos dans le présent

Emmanuel Macron, suite à sa visite de juillet 2022 au Cameroun, a relancé un débat historique qui semble encore frais dans les mémoires, tant du côté français que camerounais. La France n’a jamais vraiment fait face à son passé colonial, que ce soit en Algérie ou au Cameroun. Le rapport, qui scrute les actions françaises entre 1945 et 1971, traitera d’épisodes répressifs marquants que le Cameroun, dans son parcours vers l’indépendance, a dû endurer. Pourtant, la question qui se pose ici est de savoir si un rapport, aussi exhaustif soit-il, peut vraiment catalyser une réconciliation significative ou s’il ne sert que d’outil de désamorçage politique.

La référence à la « guerre du Cameroun » est particulièrement pertinente dans ce contexte. Ce conflit, peu abordé dans les livres d’histoire, révèle des similitudes avec d’autres luttes post-coloniales, comme celles perpétrées en Algérie ou au Vietnam. En témoignant des violences d’État, il illustre la complexité des mécanismes coloniaux qui ont façonné les trajectoires post-coloniales de différentes nations. En ce sens, le rapport pourrait également servir de lentille pour examiner d’autres interactions post-coloniales sur le continent africain.

#### Les réticences de la société civile camerounaise

Les réactions des acteurs camerounais face à ce rapport sont révélatrices de la défiance qui caractérise les relations France-Cameroun. Anicet Ekane évoque une méfiance envers le processus de repentance et de reconnaissance des torts. Si l’initiative pourrait sembler louable, elle est souvent perçue comme un moyen pour la France de se disculper, tout en inscrivant ce mouvement dans un discours politique habile. En effet, l’enquête sur l’histoire de la répression pourrait facilement devenir un nouvel outil de diplomatie pour améliorer les relations franco-africaines, plutôt qu’un véritable effort de compréhension des souffrances passées.

La question du « qui fait quoi » dans ce dilemme historique alimente également les doutes : les responsables politiques camerounais craignent que l’analyse des chercheurs ne se transforme en jeu de culpabilité où la France se laverait les mains tout en désignant les acteurs de l’époque comme substituts à son propre rôle. Alors que le rapport ne fait que commencer à faire surface, les ambitions de Macron recevront-elles l’accueil qu’elles méritent ou continueront-elles à être perçues comme des tentatives vaines de réécrire l’Histoire ?

#### Ce que le rapport révèle sur la mémoire collective

Ce rapport de plus de 1000 pages, agrémenté de recommandations, interroge également la manière dont les histoires nationales et les mémoires collectives s’écrivent et se réécrivent. Au Cameroun, l’absence de commémorations officielles pour des figures iconiques de la lutte pour l’indépendance souligne un dysfonctionnement dans la reconnaissance de l’identité nationale. Le cas de Ruben Um Nyobe, abattu par l’armée française, fait écho à d’autres figures de la lutte anti-coloniale, dont les légacies sont trop souvent effacées au profit d’un récit historique qui ne souhaite pas faire face à ses contradictions.

Cette réflexion sur la mémoire collective invite à une série de questions : Comment les pays post-coloniaux peuvent-ils embrasser des révolutions mémorielles sans risquer de voir des vérités historiques instrumentalisées ? La création d’un espace où les voix des victimes de la répression sont entendues est essentielle. La transparence et l’intégrité de cette démarche doivent transcender les simples échanges diplomatiques pour inscrire ces discussions dans des réalités émotionnelles.

#### Vers un avenir commun ?

En définitive, la sortie de ce rapport pourrait représenter un moment charnière dans les relations entre la France et le Cameroun, mais il ne constitue qu’un premier pas. L’audace d’écrire une nouvelle histoire permettra-t-elle de créer un lien de confiance entre les deux nations ? Macron a-t-il véritablement la volonté d’accompagner le Cameroun dans un processus de vérité et de réconciliation, ou bien ce phénomène n’est-il qu’une façade diplomatique ?

Il est impératif que les deux pays engagent un dialogue franc qui ne dissimule aucun aspect du passé. Pour que l’avenir soit construit sur des bases solides et équitables, il faudra aller au-delà des apparences et faire face aux réalités difficiles que cela implique. Le vrai défi consiste en une volonté partagée d’explorer ces histoires enfouies et d’initier un processus d’écoute et de collaboration, non seulement entre historiens, mais également entre les peuples eux-mêmes. C’est dans cette dynamique que réside la clé d’une véritable réconciliation et d’une relation renouvelée entre la France et le Cameroun.