### La Voix de la Diaspora : Une Éloquence Silencieuse à Paris face à la Déchirure Sahelienne
Le mouvement d’opposition annoncé par quelques dizaines de manifestants à Paris, le 11 janvier, contre le retrait programmé des trois nations sahéliennes – le Mali, le Niger et le Burkina Faso – de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) est révélateur d’une réalité complexe qui dépasse le simple cadre de la politique locale. Cet événement, qui devrait être perçu comme un jalon dans les relations africaines, est aussi le reflet d’une diaspora en quête de voie d’expression dans des sociétés où la liberté d’expression est mise à mal.
Alors qu’au même moment, d’autres villes d’Europe et du monde ont vu des manifestations pour une multitude de causes, ici, est exposé un sentiment d’urgence qui transcende les simples enjeux économiques. La Cédéao, en tant qu’institution régulatrice, devient non seulement une plateforme de coordination économique mais aussi un symbole de lien interétatique et de solidarité, mis à mal par des considérations nationalistes et des choix politiques qui semblent isoler davantage ces pays dans un contexte mondial où la collaboration est essentielle.
#### Une Remise en Question des Références Institutionnelles
La décision prise au sommet par les dirigeants de ces trois pays, annonçant leur retrait de la Cédéao, a été perçue par ces manifestants comme une trahison de leurs intérêts à long terme. Dans un monde globalisé où les enjeux tels que la sécurité, le climat et l’économie ne peuvent être abordés de manière isolée, ce repli national suscite des inquiétudes. Les conséquences d’un tel retrait pourraient être catastrophiques, tant pour la stabilité politique de la région que pour l’économie qui reste fragile. Selon les estimations de la Banque Mondiale, l’intégration de l’Afrique de l’Ouest dans les chaînes de valeur mondiales pourrait augmenter le PIB de la région de 40% d’ici 2030. En se retirant, ces pays s’excluent d’éventuelles collaborations fructueuses.
Les organisateurs de la manifestation ne s’y sont pas trompés. Ils ont mené cette action avec l’intention explicite de rappeler l’importance d’unité et d’engagement diplomatique au sein de la Cédéao, tout en mettant en lumière une dynamique de crise souvent omise dans le discours dominant : celle de la dissension interne qui s’érige contre des élites de gouvernance jugées de plus en plus éloignées des aspirations populaires.
#### La Diaspora : Un Rôle Sous-Estimé
Au-delà d’un simple exercice de protestation, le rassemblement à Paris met également en exergue le rôle vital de la diaspora en tant que lien entre les gouvernements et leurs citoyens. Établis en dehors de leur patrie, ces manifestants se font les témoins d’une société malade, prisonnière d’un système qui opprime toute voix dissidente. Le témoignage d’Idrissa, venant d’un pays où se faire entendre peut mener à une incarcération, souligne une crainte omniprésente. Mais paradoxalement, ce climat de peur traditionnelle s’illustre par une diaspora déterminée à revendiquer non seulement son droit à l’expression, mais aussi à rappeler leur rôle en tant que force de changement.
Ismaël Sakho, président du Parti Social-Démocrate Africain (PSDA), incarne ce courage civique en exposant publiquement les réalités que subissent ses compatriotes. Ce type de leadership pourrait être considéré comme le premier pas vers une renaissance politique au sein des nations sahéliennes. À ce titre, la diaspora pourrait jouer un rôle de pivot, non seulement en critiquant, mais en proposant des voies nouvelles, en s’interrogeant sur les modèles de gouvernance actuels et en favorisant les dialogues nécessaires à la démocratie.
#### Une Manifestation Portant une Réflexion Stratégique
Mais cette mobilisation soulève également des questions stratégiques sur la manière dont la communauté internationale, et plus particulièrement l’Europe, interagit avec ces états. La tendance à soutenir des gouvernements à l’égard de leur politique plutôt qu’à leur rendre des comptes sur leurs engagements envers leurs citoyens est une méthode qui a fait ses preuves, mais à quel prix ? Les manifestations de soutien à l’Ukraine illustrent, si besoin est, à quel point les valeurs de liberté et de démocratie peuvent avoir un poids dans les décisions internationales. Les pays sahéliens doivent-ils donc en faire l’expérience pour espérer un changement ?
Cette mobilisation, tout en restant modeste à Paris, est une invitation à reconsidérer les arrangements politique internes, la position de l’Afrique sur la scène internationale et à remettre en question les attentes que pose l’aspiration à une souveraineté revendiquée mais, paradoxalement, attachée à des attaches économiques et diplomatiques.
#### Conclusion : Une Voix à Écouter
Ainsi, cette protestation à Paris pourrait sembler marginale, mais elle constitue un appel vibrant à la réévaluation des choix des gouvernants. Les échos de cette manifestation, portés par une diaspora consciente, résonnent comme un cri d’alarme. En définitive, l’unité régionale et la collaboration demeurent des objectifs impératifs à l’heure où le monde se partage entre le protectionnisme et l’interdépendance. En analysant la situation actuelle par le prisme d’une telle mobilisation, il est primordial de se demander : comment les citoyens africains peuvent-ils assurer leur propre avenir tout en revendiquant les valeurs que tous aspirent à voir incarner dans leur réalité ?
La voix de cette diaspora est, et doit être, entendue au-delà des frontières.