Dans un coin du monde où la débrouillardise est souvent synonyme de survie, le marché central de Kinshasa résonne comme un cœur battant d’espoir et d’échanges commerciaux. Mais ce qu’un communiqué de l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP), rendu public le 9 avril, met en lumière, c’est la face sombre de cette vitalité. Des détournements de fonds, des promesses éludées et la mainmise d’un consortium dont le sérieux pose question.
Le gouverneur Gentiny Ngobila se retrouve au cœur d’une tempête, un personnage fédérateur d’une gouvernance qualifiée de « calamiteuse, illégale et prédatrice ». Pourquoi cette désillusion ? Le contrat de reconstruction du marché, signée en 2021 avec la société Sogema Sarl, aurait dû être un tournant pour cette infrastructure essentielle. Au lieu de cela, c’est un aiguillon qui enfonce un peu plus Kinshasa dans le marasme. Un accord qui, selon l’ODEP, accorde davantage de privilèges à Sogema — un acteur que l’on pourrait qualifier de fantomatique dans le paysage économique congolaise.
Ne prêtons pas seulement attention aux chiffres, aux graphiques dévoilant des dépenses fantomatiques. Penchons-nous sur la question qui dérange, celle qui étreint parfois la gorge des Congolais : où est le contrôle ? Quel est cet échiquier où les pions semblent bel et bien manipulés par des mains invisibles ? L’ODEP évoque un prêt contracté auprès de la Sofibanque pour financer ce projet. Considérant la stature de notre marché central, la véracité de cette opération soulève des interrogations. Comment un projet d’une telle envergure a-t-il pu être engagé avec une société sans capital et sans expérience ?
Chaque décision prise semble trahir une logique plus proche de la délinquance que de la gestion publique. La question est : dans un pays où la transparence est souvent une chimère, dénoncer ces manigances sera-t-il suffisant ? La réponse se trouve peut-être dans ce que l’on pourrait appeler le « désenchantement national ». Un désenchantement qui, comme une marée, noie les espoirs des jeunes entrepreneurs, des marchands de légumes, des artisans. Chaque détour de fonds démontré est une promesse volée, une boutique fermée.
On ne peut s’empêcher de penser à des parallèles historiques, à ces événements où le pouvoir s’est amouraché d’idées de grandeur, aux dépens des réalités du quotidien. Rappelez-vous du « miracle » des réformes économiques dictées à un pays par des entités internationales, souvent sans lien avec la réalité de ses habitants. Kinshasa fait face à un autre scénario : celui de la gouvernance qui dilapide, ici et maintenant.
La vraie question, alors, n’est pas seulement celle de la culpabilité de Gentiny Ngobila ou de l’incapacité de Sogema. Elle est bien plus complexe : en tant que nation, comment devons-nous obliger ceux qui s’installent dans le salon de notre démocratie à rendre des comptes ? Les promesses politiques s’effacent, un pavé sur une dalle déjà fragile. La société civile, qui s’organise de plus en plus, n’a-t-elle pas l’obligation de devenir l’arbitre de cette situation ? Elles sont déjà nombreuses et mobilisées, mais leur voix doit résonner, fort et clair, car seule la lumière peut chasser l’ombre des malversations.
Pour l’heure, l’ODEP a sonner l’alarme. Reste à voir qui va l’écouter et, surtout, qui va agiter la torche de la transparence pour forcer cette gouvernance sourde à enfin répondre. Kinshasa mérite mieux, ses citoyens méritent mieux. Ils sont fatigués de la déception. Ce que nous espérions de ce contrat de reconstruction, c’était une nouvelle fondation, pas un nouveau couloir pour l’argent détourné. La rue, avec ses marchands, ses cris, ses rires, a besoin d’un vrai marché, d’une vraie gouvernance. Et le temps presse.