**Kinshasa sous les eaux : un cri d’alerte dans le silence assourdissant**
Kinshasa. Une ville en constante effervescence, où le rythme de la vie bat au son des klaxons et des cris des vendeurs ambulants. Mais, cette fois, c’est un autre bruit qui résonne entre les murs de la capitale : celui de l’eau en furie, qui emporte tout sur son passage. Les récentes inondations, ayant fait au moins 30 911 sinistrés, ne peuvent pas seulement être réduites à des chiffres inquiétants. Elles mettent en lumière une réalité crue, une vulnérabilité latente, et plus encore, un management urbain en pleine déroute.
Assis dans un café du centre, un jeune étudiant en sociologie me confie son désarroi. « Les gens ne comprennent pas que ces inondations sont le résultat d’un mal plus insidieux. Ce n’est pas seulement la pluie, c’est l’héritage de décennies de négligence », lâche-t-il, le regard perdu dans le tumulte de la rue. Il a raison. Ce qu’on retrouve dans le rapport préliminaire de la DPS n’est qu’une partie de l’histoire. Oui, des maisons sont englouties. Oui, des écoles se sont effondrées. Mais au-delà des destructions, se cache une question brûlante : qui porte réellement la responsabilité de cet apocalypse annoncé ?
La DPS évoque sans détour la transformation des rivières en égouts à ciel ouvert, mais peu se penchent sur les véritables coupables : l’urbanisation sauvage, l’absence d’infrastructures adaptées, un système de drainage obsolète qui ne ferait même pas l’affaire d’un petit coin de rue d’une ville occidentale. Les dirigeants passent, les promesses s’accumulent, mais le tableau reste figé, immuable. Comme si l’eau, déjà, ricanait en se déversant dans les ruelles.
Dans l’un des sites temporaires, le Stade des Martyrs, plus de 2 000 personnes se serrent, insouciantes, mais pas vraiment. L’absence d’eau potable, de toilettes hygiéniques, tout cela est maintenant trop fréquemment le lot des déplacés. C’est un cycle infernal : pauvreté, maladie, détresse. Une rustine posée sur un bras saignant ne guérira pas. L’on nous parle de choléra, de typhoïde, comme si ces mots étaient des épouvantails qu’il suffirait de brandir pour faire passer la douleur. Mais là où ils s’invitent, c’est à l’absence de réponses concrètes et durables.
Et en scrutant les mesures recommandées par la DPS — réhabiliter, investir, sensibiliser — je ne peux m’empêcher de me demander s’il ne serait pas temps d’exiger un changement radical de paradigme. La ville ne se transforme pas par un habillage superficiel, de la peinture sur les murs décrépits. Elle se réinvente. Les funds mobilisés doivent non seulement venir en aide aux sinistrés, mais également garantir que les infrastructures résistantes au changement climatique deviennent la norme et non l’exception.
Et si on y réfléchit, on se rend compte qu’à Kinshasa, la gestion des catastrophes est toujours réactive. Jamais pro-active. Un manque de vision à long terme qui pourrait donner la sensation aux habitants que les révolutions se mènent seulement dans les bureaux, avec des rapports envoyés épisodiquement, ou dans des conférences qui s’étirent sans réelles avancées. Dans le fond, ces dirigeants sont-ils vraiment en mesure d’entendre le cri de la ville qui s’enfonce, littéralement, sous ses propres eaux ?
Les pluies, elles, ne s’arrêtent pas. Et pendant que l’on évalue les dégâts et que les promesses pleuvent à l’image des gouttes du ciel, la vraie question demeure : peut-on vraiment croire que cela ne se reproduira pas ? Au cœur de ce drame collectif, la détermination des Kinois à reconstruire, malgré tout, danse sous le ciel gris. Mais il s’agit également de transformer ces cris en revendications. Le bal des inondations devrait être un point de départ pour une discussion bien plus vaste sur la ville, la gestion des ressources et, surtout, une réévaluation des priorités d’un pays qui semble toujours plus réactif que préventif face à la puissance des éléments.
Et là où le rapace de la fatalité se dessine, la question demeure : est-ce que Kinshasa sera enfin prête à se rebâtir sur des fondations qui transcendent les eaux et les crises ? Les sinistrés n’attendent certainement pas juste des solutions à la surface, mais une véritable résilience ancrée dans le quotidien. La ville va devoir l’entendre, le temps presse.