**À la croisée des chemins : La lutte pour le contrôle religieux à Kinshasa**
Kinshasa, les trottoirs sont un véritable kaléidoscope. Les cris des vendeurs de rue, le vrombissement incessant des moteurs, et cette chaleur moite qui semble s’agripper à la peau. Au milieu de ce tumulte, une annonce du ministère de la Justice vient tout juste de tomber. Ce coup de tonnerre qui assourdit les fidèles et les chefs de file de la multitude de cultes qui s’épanouissent comme des champignons après la pluie. Le gouvernement claque la porte sur l’identification des associations à but non lucratif de caractère religieux. Une décision qui, sous couvert de régulation, pourrait bien masquer d’autres motivations.
L’on parle dans les coulisses de « nettoyage » du secteur religieux, mais le mot a un goût amer. Est-ce vraiment une nécessité administrative pour faire face à une prolifération de structures souvent douteuses, ou bien une pure tentative de contrôle politique sur les voix qui s’élèvent dans cette société en pleine ébullition ? Historiquement, les gouvernements ont souvent voulu contrôler ou coopter les religions, surtout dans des contextes fragiles. Alors, que cherche véritablement le ministre de la Justice ?
Le fond du problème n’est pas nouveau. À Kinshasa, la religion est au cœur de la vie collective. Elle polarise les masses et façonne les identités. On peut voir les Églises grouiller de fidèles, mais dans l’ombre, il existe également des abus de pouvoir, des dérives sectaires, et des manipulations à des fins politiques. La promesse d’un encadrement plus serein semble donc séduisante. Pourtant, la réalité est plus nuancée.
Derrière ces belles intentions se cache une contradiction frappante. Le ministre évoque la lutte contre l’extorsion et la manipulation en brandissant le spectre de la menace légale. Qu’est-ce qui empêche précisément ce même ministère d’appliquer les lois existantes contre les abus avérés sans ouvrir la boîte de Pandore de la réglementation excessive ? Les chefs religieux sont appelés à relayer les résolutions contre la pollution sonore — une préoccupation légitime, certes, mais alors que dire des bruits plus sourds, des cris de désespoir provenant des miséreux qui vibrent sur le pavé de Kinshasa ? Les questions ont du mal à se tisser dans une réponse cohérente.
D’un côté, les églises et mosquées sont devenues des refuges pour des millions d’individus en quête d’espoir, de sécurité, de sens. De l’autre, la guérison par la parole s’efface parfois au profit de l’appel à l’argent ou du choix d’un leader charismatique qui détourne l’attention des véritables enjeux. Alors, est-ce un coup de frein donné à un secteur devenu trop florissant pour les goûts d’un état en perte de contrôle ? On est en droit de se le demander.
Et cette question de la croissance exponentielle des structures religieuses ? Elle est symptomatique d’un pays où l’État peine à fournir des services de base à sa population. La croyance remplace, en quelque sorte, les filets de sécurité que l’État n’est pas en mesure de tisser. Mais se pencher sur les solutions administratives sans aborder les véritables causes qui affament ce pays, c’est quelque peu refouler un sentiment de désespoir collectif qui se massifie.
Le paradoxal appel à l’autorégulation des chefs religieux intervient alors même que ces derniers risquent d’être soumis à des suspicions d’abus dans les collectivités. Encore une fois, le diable se niche dans les détails. Ce mensonge d’un nécessaire contrôle pourrait bien déboucher sur un ventre mou de la collaboration, une manipulation institutionnelle où les dirigeants religieux, pris entre deux feux, se retrouvent à jouer une partition qui n’est pas la leur.
Ainsi, la ville se transforme, ses cœurs vibrent comme un tambour, mais derrière le spectacle se cache une tension sous-jacente, celle d’une société qui cherche à comprendre comment avancer face à des temps incertains. La voix de Kinshasa est forte et puissante, mais sa direction reste à écrire. À un moment stratégique comme celui-ci, la question est de savoir si les tatouages religieux dans les cœurs des citoyens deviendront une force de changement ou un levier d’oppression. Le temps nous le dira.