Comment le Burkina Faso équilibre-t-il avancées militaires et défis des droits humains dans sa lutte contre le terrorisme ?


### Burkina Faso : Entre Reconquête Territoriale et Défis Humanitaires, un Équilibre Fragile

Le Burkina Faso, pays enclavé d’Afrique de l’Ouest, traverse une période tumultueuse marquée par des défis de sécurité sans précédent. Lors d’une séance plénière le 14 mars 2025, le Premier ministre Jean-Emmanuel Ouedraogo s’est tenu devant l’Assemblée législative de transition pour présenter un état des lieux complexe, oscillant entre avancées militaires et questions préoccupantes sur les droits humains. Cette dualité souligne une réalité encore plus pertinente : la fragilité des succès militaires face à des enjeux sociopolitiques profondément enracinés.

#### Un Territoire en Reconquête : Les progrès militaires

Les chiffres avancés par Ouedraogo sont saisissants : 71 % du territoire national serait désormais sous contrôle des forces armées burkinabè, et 212 villages auraient été reconquis. Cela illustre une dynamique encourageante pour un pays qui, depuis plusieurs années, endurait la montée d’une violence jihadiste entraînant un déplacement massif de populations et une crise humanitaire. En ce sens, l’engagement financier des Burkinabè, à hauteur de 175 milliards de francs CFA, traduit une volonté populaire indéniable de soutenir l’État dans sa lutte contre le terrorisme.

Cependant, cette reconquête territoriale ne doit pas occulter les défis qui l’accompagnent. La complexité du terrain, alliée à des groupes armés qui pratiquent des tactiques de guérilla, procure un sentiment d’insécurité persistant. La question se pose alors : les progrès militaires sont-ils solides, ou n’enregistrent-ils que des victoires temporaires ? Au regard des expériences vécues par d’autres pays du Sahel, tels que le Mali, la frontière entre victoire et échec reste trouble.

#### Les Droits de l’Homme, un enjeu crucial

Au cœur de la discussion au sein du parlement, la question des droits de l’homme s’est imposée de manière inéluctable. Les vidéos circulant sur les réseaux sociaux, dévoilant des cas d’exactions, ont jeté une ombre inquiétante sur les actions des forces de sécurité. Les députés, notamment Hama Ly, soulèvent des inquiétudes légitimes face à ces images qui témoignent d’une réalité plus sombre que l’optimisme affiché par le gouvernement.

La lutte contre le terrorisme ne peut justifier la violation des droits fondamentaux des citoyens. Les mécanismes de contrôle mis en avant par le gouvernement, comme les plans de formation sur les droits humains, laissent transparaître une volonté d’améliorer la situation, mais leur efficacité est à mettre en question. Les récents impératifs de sécurité pourraient devenir, s’ils ne sont pas encadrés, une porte ouverte à l’arbitraire.

#### Équilibre précaire : Extremes de la sécurité

Le dilemme auquel le Burkina Faso est confronté soulève des questions plus larges sur la gouvernance sécuritaire en période de crise. Lors de discussions similaires dans d’autres pays du Sahel, tel le Niger, le gouvernement a souvent opté pour des mesures de sécurité draconiennes en réponse à des menaces similaires. Ces décisions peuvent parfois fournir un répit temporaire, mais les effets à long terme sur la démocratie et la stabilité sociale sont préoccupants.

Une analyse comparative indique que ceux qui subissent directement les conséquences de cette violence et de l’inertie gouvernementale sont non seulement les civils, mais aussi l’État lui-même qui se voit délégitimé dans ses fonctions régaliennes. Le soutien populaire pourrait s’effriter si la sécurité s’accompagne d’une crispation sur les libertés individuelles.

#### Vers un avenir incertain

Les déclarations de Jean-Emmanuel Ouedraogo, bien qu’encourageantes sur le plan militaire, dévoilent un débat plus large sur la capacité du Burkina Faso à maintenir un équilibre entre force et droits de l’homme. Les perspectives d’un rétablissement de la normalité nécessitent une stratégie intégrée, qui ne se limite pas à la seule action militaire, mais incluant également un volet humanitaire renforcé.

La coopération internationale pourrait offrir un levier essentiel, non seulement pour restaurer la sécurité, mais aussi pour soutenir les programmes de développement et humanitaires. Ce soutien pourrait garantir que les profits militaires réalisés aujourd’hui deviennent durables et bénéfiques pour la population sur le long terme.

En somme, les faits exposés à l’Assemblée, loin d’être uniquement une question de chiffres et d’opérations militaires, révèlent la nécessité pour le Burkina Faso de redéfinir son approche face au défi sécuritaire. Alors que les Burkinabè aspirent à une paix durable, la quête d’un équilibre entre sécurité et respect des droits fondamentaux semble être le seul chemin vers un avenir stabilisé. Il appartient désormais aux dirigeants de saisir cette opportunité unique, pour construire non seulement un État fort mais également une société en paix avec elle-même.