Comment la cohabitation des déplacés et des résidents historiques à Rustshuru peut-elle exacerber les tensions communautaires ?

### Montée des tensions communautaires à Rustshuru : Le risque d’une crise humanitaire à deux vitesses

La situation humanitaire dans le territoire de Rustshuru, en République Démocratique du Congo (RDC), illustre les défis complexes d’une société en mutation, marquée par des retours de déplacés et une cohabitation souvent tendue entre habitants historiques et nouveaux arrivants. Les récents rapports du Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) soulignent les inquiétudes croissantes concernant la stabilité sociale dans cette région déjà fragilisée.

#### Une dynamique de retour aux implications incertaines

Le retour massif des déplacés, où près de 90% des habitants du Nyiragongo reviennent, signalise une volonté de récupérer un territoire où ils ont passé des mois, voire des années, dans l’incertitude. Selon OCHA, cette dynamique s’accompagne de la découverte d’habitations endommagées ou occupées, générant potentiellement des tensions communautaires. Ce phénomène n’est pas unique à Rustshuru; il rappelle d’autres crises de retour dans le monde, où le rétablissement de la paix et de la coexistence civile se heurte souvent à des réalités matérielles et psychologiques complexes.

Les retours dans des zones de conflit prolongé peuvent être analysés à travers le prisme de la théorie du « sentiment d’appartenance ». Des études menées en Syrie démontrent que les personnes déplacées qui retrouvent des locaux occupés par d’autres éprouvent souvent un sentiment d’aliénation, exacerbant les conflits. Si cette dynamique s’intensifie à Rustshuru, elle pourrait créer une spirale de violence où des groupes se disputent non seulement la terre et les biens, mais également le droit de revendiquer une identité et une histoire commune.

#### Un tableau humanitaire alarmant

L’aire de santé de Kabizo a enregistré environ 1 879 ménages retournés, mais la cohabitation avec 1 857 ménages de déplacés actifs ajoute une pression énorme sur les ressources locales, déjà limitées. Alors que des infrastructures sanitaires et éducatives restent insuffisantes, cette situation met en lumière l’iniquité des aides humanitaires. En écho à la réalité d’autres crises révélatrices, telles que celle des Rohingyas au Bangladesh, le défi de la distribution équitable de l’aide humanitaire devient primordial.

Les défis socioculturels amplifient la complexité de la situation : l’intégration des retournés dans un tissu social déjà fragilisé nécessite des efforts de médiation, qui sont souvent absents. Seule une approche de développement communautaire, impliquant à la fois les retournés et les résidents, pourrait constituer une réponse efficace.

#### Les réalités socio-économiques sous-jacentes

L’analyse des dynamiques socio-économiques à Rustshuru révèle que plus de 70% des retournés n’ont plus accès à leurs terres agricoles. Cette perte de ressource ne fait qu’aggraver la crise alimentaire dans la région. Les chiffres de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sont évocateurs : un retour sans accès sécurisé aux terres peut mener à des taux de malnutrition chroniques dans des populations vulnérables.

Par ailleurs, la localisation de l’aire de santé de Kabizo dans un territoire instable accentue les difficultés économiques locales, forçant de nombreux habitants à chercher de nouvelles sources de revenu, souvent dans des conditions précaires. La création de programmes de soutien économique ciblés, dans le cadre d’une aide humanitaire intégrée, pourrait avoir des répercussions positives sur la résilience des communautés affectées.

#### Vers une action humanitaire collaborative

L’OCHA a un rôle crucial à jouer, non seulement en coordonnant l’aide d’urgence mais aussi en plaidant pour une approche humanitaire basée sur le dialogue et l’inclusion. La stratégie devrait inclure des plateformes de dialogue communautaire qui permettraient aux différents groupes de discuter de leurs besoins et préoccupations de manière constructive, plutôt que de se retrouver dans un rapport de force.

En outre, il serait crucial d’impliquer les acteurs locaux et les organisations non gouvernementales (ONG) dans cette dynamique. Leverage les connaissances et les relations locales pour faciliter le dialogue pourrait apaiser certaines tensions et mener à des solutions innovantes.

#### Conclusion

Alors que la RDC, et plus spécifiquement Rustshuru, se bat contre une réalité humanitaire de plus en plus complexe, le défi consiste à transformer les tensions communautaires en opportunités de dialogue et de coopération. Les retours de déplacés doivent être gérés de manière proactive pour éviter une escalade des conflits et promouvoir la réconciliation. En répondant aux véritables besoins des populations touchées, et en mettant l’accent sur la solidarité plutôt que sur la division, la communauté internationale pourrait contribuer à rétablir non seulement la paix, mais aussi l’espoir.