Pourquoi la médiation des leaders religieux est-elle cruciale pour rétablir la paix en Afrique centrale ?


**Paix et Médiation : Les Défis d’un Dialogue dans la Région des Grands Lacs**

Le 3 mars 2025, le pasteur Erick Senga a annoncé une initiative qui pourrait bien constituer un tournant dans la quête de paix dans la région des Grands Lacs : le déplacement des chefs religieux catholiques et protestants vers Ouganda et Angola pour rencontrer les présidents Yoweri Museveni et João Lourenço. Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’un effort concerté sous l’égide de la CENCO (Conférence Épiscopale Nationale du Congo) et de l’ECC (Église du Christ au Congo) pour aborder la crise régionale actuelle.

### Un Contexte Complexe

La situation dans la région des Grands Lacs, un point chaud de tension géopolitique en Afrique, est marquée par une histoire tumultueuse de conflits, de combats ethniques, et d’influences extérieures. En observant les dynamiques sous-jacentes de ce conflit, il est vital de prendre en compte que l’instabilité ne provient pas seulement de la politique interne, mais également de facteurs transnationaux, y compris l’exploitation des ressources naturelles et l’arrivée de groupes armés. Des études montrent qu’en 2020, la République Démocratique du Congo (RDC) perdait environ 24,6 % de son PIB potentiel en raison des conflits, selon des données de la Banque Mondiale.

### Démarche Spirituelle et Politique

La mission des leaders religieux apparaît comme une réponse à cette crise profondément enracinée, mais comment une initiative de ce type peut-elle réellement influencer la politique d’un pays ? Les moins optimistes pourraient arguer que l’impact de tels dialogues est souvent limité, surtout lorsque le pouvoir politique est dans une posture de résistance à tout changement. Historiquement, toutefois, on note que des démarches similaires, comme celles menées par les Églises en Afrique du Sud durant l’apartheid, ont pu inspirer des changements significatifs via des moyens pacifiques.

Le pasteur Senga a mis l’accent sur l’importance d’inclure tous les acteurs dans cette quête de paix. Cet appel à l’inclusivité est souvent négligé dans le dialogue politique traditionnel, où les voix marginalisées sont souvent étouffées. Une approche fondée sur la médiation spirituelle peut offrir une voix à ces acteurs et relayer leurs préoccupations vers les sphères de décision.

### Les Défis à surmonter

Le défi majeur qui se présente à ces leaders est de naviguer entre un environnement politique complexe et une société civile désabusée. La méfiance envers les institutions, qu’elles soient religieuses ou politiques, a atteint un niveau sans précédent. Au cours des dernières décennies, des mouvements de protestation dans les grandes villes congolaises, telles que Kinshasa et Goma, ont montré un désir croissant de changement, souvent face à la violence et à la répression. Des sondages récents indiquent que près de 75 % des Congolais jugent le gouvernement inefficace dans sa lutte contre la corruption et l’instabilité.

Dans ce contexte, la CENCO et l’ECC doivent faire preuve d’empathie mais également de pragmatisme. Bien qu’elles soient considérées comme des acteurs de paix, il est également essentiel que ces Églises s’engagent dans le dialogue sur les causes profondes de la violence, comme la pauvreté endémique et la déséquilibre socio-économique, qui alimentent le ressentiment et l’extrémisme.

### La Diplomatie Religieuse comme Outil de Changement

L’efficacité de la diplomatie religieuse peut donc être considérée sous différents angles. Sur le plan psychologique, elle incarne un espoir pour des populations désenchantées. Au niveau communautaire, elle peut générer un sentiment d’appartenance et encourager la réconciliation au-delà des divisions ethniques qui ont historiquement fragmenté la région. En se rendant en Ouganda et en Angola, les chefs religieux cherchent à établir un dialogue basé sur la compréhension mutuelle. C’est un premier pas vers l’instauration d’une culture du dialogue, essentielle à une paix durable.

### Conclusion

Si l’art de la médiation par les leaders religieux peut sembler inefficace face à des rouages politiques lourds, il ne faut pas sous-estimer son potentiel. Les Églises, en tant qu’acteurs sociaux enracinés, peuvent mobiliser des millions de croyants vers une vision de paix collective. Le défi sera de transformer cet élan spirituel en actions concrètes, facilitant ainsi un engagement sincère des acteurs clés. Les développements dans les jours à venir, à commencer par la rencontre prévue avec le président Tshisekedi, seront cruciaux. L’espoir de voir émerger un front uni pour la paix dans les Grands Lacs repose sur la capacité de ces acteurs à surprendre par leur persévérance et leur détermination à construire un avenir serein pour tous.