Quelle stratégie pour le Mali face à l’escalade de la violence et les échecs de l’intervention étrangère ?


**Mali : L’Attaque du Convoi Civil, Révélateur d’une Insécurité Endémique**

Le 7 février dernier, le Mali a une nouvelle fois été le théâtre d’une violence inouïe, lorsque des hommes armés ont attaqué un convoi civil escorté par des militaires et des mercenaires russes du groupe Wagner. L’incident, qui a eu lieu près de Kobe, a fait au moins 32 morts selon des sources locales, élevant une fois de plus la question de l’insécurité qui gangrène le pays.

À travers cette tragédie, c’est non seulement la perte de vies humaines qui est à déplorer, mais aussi une remise en cause profonde de l’État, tant militaire que civil. La difficulté à assurer la sécurité des civils, notamment dans une région marquée par des tensions ethniques, politiques et économiques, est emblématique d’une crise plus large qui touche le Sahel.

### Une Insécurité Chronique

Pour comprendre les dimensions de cette attaque, il est essentiel de prendre du recul et d’examiner le contexte. Le Mali fait face à une insurrection qui mêle groupes jihadistes et milices armées. Selon le rapport annuel du Centre d’Études Stratégiques du Sahel-Sahara (CESS), les attaques dans les régions du nord et du centre Mali ont augmenté de près de 40 % en 2022. L’émergence de l’organisation État Islamique au Grand Sahara (EIGS) et la montée en puissance des groupes d’autodéfense, parfois eux-mêmes source d’inquiétude, compliquent davantage la situation.

Les orpailleurs, dont la plupart faisaient partie du convoi attaqué, se retrouvent souvent pris entre deux feux : ce sont des acteurs économiques vitaux de la région, mais ils sont aussi des cibles privilégiées. La région d’Ansongo, en particulier, est une zone sous perfusion économique grâce à l’artisanat minier, mais aussi une zone de prédilection pour les bandits et les terroristes.

### Un Convoi Civile Précipité dans la Tourmente

Le convoi de 22 minibus et de plusieurs camions était clairement d’importance, non seulement pour ceux qui en faisaient partie, mais également pour l’économie locale. Le fait que des mercenaires russes escortaient ce transport soulève d’autres interrogations. L’influence du groupe Wagner, souvent associée à des opérations controversées dans des contextes de guerre irrégulière, vis-à-vis des intérêts économiques et stratégiques en Afrique, pose des questions sur l’orientation politique du Mali et sur l’avenir des alliances militaires dans la région.

Dans un pays où l’absence d’un État fort est palpable, la présence de forces étrangères soulève des inquiétudes sur la souveraineté du Mali. Pour beaucoup, cette attaque n’est que le reflet d’un Etat qui peine à contrôler son territoire et à protéger ses citoyens. La violence est devenue une norme dans la vie quotidienne des Maliens, conduisant à un climat de peur et d’incertitude.

### Une Réaction Adéquate ?

La réaction de l’état-major général des armées, qui décrit les assaillants comme des « groupes de terroristes », semble occultée par la réalité des événements. L’instrumentalisation potentielle de la violence par des acteurs étatiques et non étatiques complique les dynamiques sociales. L’affirmation selon laquelle le bilan est minoré à 25 civils morts ne peut qu’être perçue avec scepticisme au regard des témoignages contradictoires sur le terrain.

Un rapport récent de Human Rights Watch souligne également que les pertes civiles souvent négligées dans les bilans militaires, sont révélatrices d’une humanité sacrifiée sur l’autel de la lutte contre le terrorisme. La réponse militaire, bien qu’essentielle, doit être complétée par des mesures de réconciliation et de développement local pour restaurer la confiance des populations dans l’État.

### Vers un Avenir Incertain

Alors que les opérations militaires se poursuivent pour traquer les assaillants, une question cruciale demeure : comment le Mali peut-il sortir de la spirale de la violence ? Impliquer les populations locales dans des initiatives de sécurité et de développement pourrait être une première étape vers une solution durable. L’enjeu est de construire un Mali où les civils ne sont plus pris en otage par des luttes de pouvoir et des intérêts extérieurs.

En effet, chaque attaque comme celle de Kobe rappellent cruellement que derrière les chiffres se cachent des vies, des histoires et des espoirs anéantis. Le rôle du journalisme dans ce contexte est primordial pour rendre visible cette souffrance, mais aussi pour faire écho aux voix qui, dans l’ombre, appellent à la paix et à la prospérité.

Dans un monde où Max Weber définissait l’État comme le monopoliste de la violence légitime, il est urgent que le Mali retrouve cette légitimité dans les yeux de son peuple. Sinon, le cycle de la violence ne pourra qu’engendrer davantage de souffrances, perpétuant le cauchemar d’une nation désunie.

Cet événement tragique doit servir d’électrochoc, non seulement à l’échelle nationale, mais également sur la scène internationale, où la paix et la sécurité du Sahel sont de plus en plus perçues comme des enjeux globaux, nécessitant une coopération véritablement élargie et multilatérale. La vigilance est de mise, mais elle doit se conjuguer avec une volonté d’agir pour transformer une réalité tragique en une perspective d’espoir.