**Réflexions sur l’Appel à la Cohésion Nationale en République Démocratique du Congo : Le Rôle Crucial de l’Église dans la Crise au Nord-Kivu**
Le 3 février 2023, un événement marquant a eu lieu à la Cité de l’Union Africaine, à Kinshasa. Les délégations de l’Église catholique et de l’Église du Christ au Congo (ECC), conduites respectivement par le Cardinal Fridolin Ambongo et le Révérend André-Gédéon Bokundoa, se sont entretenues avec le Président Félix Tshisekedi sur la crise qui secoue l’est de la République Démocratique du Congo (RDC). Depuis la récente prise de Goma par le mouvement rebelle M23, soutenu selon plusieurs sources par le Rwanda, la situation sécuritaire s’est effectivement dégradée, exacerbant les souffrances humaines et créant un climat d’incertitude régionale.
C’est dans ce contexte tendu que Mgr Donatien Nshole, secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), a souligné l’importance d’une approche basée sur la cohésion nationale. Bien que cette initiative puisse sembler classique dans le paysage des efforts de paix locaux, elle revêt une signification profonde. D’un point de vue historique, l’Église a souvent joué un rôle pivotal dans la médiation de crises en RDC, où la tension entre les différents groupes ethniques et les intérêts politiques est prévalente. L’initiative de créer un « Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble » peut ainsi être perçue non seulement comme une tentative de désamorcer les conflits actuels, mais aussi comme un véritable appel à la solidarité nationale.
### Le poids des traditions et la nouvelle dynamique
Il est intéressant de noter que, historiquement, les Églises en RDC ont souvent agi comme des catalyseurs de changement social. Par exemple, durant les turbulences des années 1990 et 2000, la CENCO et l’ECC avaient déjà été des voix importantes contre les abus de pouvoir et pour la démocratie. Leurs discours sont empreints de sensibilité aux réalités que vivent les Congolais ordinaires, rendant leur appel à l’unité particulièrement pertinent aujourd’hui.
L’accent mis sur la « cohésion nationale » par les leaders religieux ne doit cependant pas être considéré comme un simple slogan. Il s’agit d’un besoin urgent dans un pays où la fragmentation ethnique a été exploitée par des acteurs tant nationaux qu’internationaux. En effet, les groupes rebelles tels que le M23 ne sont pas uniquement des manifestations de désespoir local, mais également le reflet de conflits géopolitiques plus vastes où les puissances régionales cherchent à étendre leur influence.
### Statistiques et dynamique de guerre
La perte de Goma représente non seulement une défaite symbolique pour l’autorité congolaise, mais elle engendre également des conséquences économiques considérables. La province du Nord-Kivu, riche en ressources naturelles, est un foyer d’activités minières vitales pour l’économie du pays. Selon une étude récente de la Banque mondiale, la crise actuelle pourrait réduire la croissance économique de la RDC de 2 % à 4 % dans les prochaines années, un impact dévastateur dans un pays dont plus de 70 % de la population vit déjà sous le seuil de pauvreté.
### Vers une transformation systémique
Pour faire face à cette crise, le projet de sortie de crise présenté aux autorités pourrait donner lieu à un véritable changement de paradigme dans la manière dont la RDC aborde ses conflits. La proposition d’un « consensus national » suggérée par le pasteur Eric Nsenga pourrait également inspirer des mobiisations populaires similaires à celles observées dans d’autres pays ayant connu des transitions politiques, comme le Guatemala ou le Sénégal. L’importance d’un dialogue inclusif, qui prend en compte les voix marginalisées, notamment celles des femmes et des jeunes, est primordiale.
### En conclusion : Une démarche nécessaire mais insuffisante
Il convient de reconnaître les efforts des Églises en tant qu’intermédiaires dans la recherche de la paix, mais il est tout aussi essentiel que ces initiatives soient accompagnées de mesures concrètes. Engager des discussions sur la démilitarisation, le soutien aux populations déplacées et, surtout, le renforcement des institutions de l’État sont des étapes incontournables. La tâche est ardue, mais le dialogue interreligieux pourrait devenir un modèle d’inspiration pour d’autres initiatives de paix dans le monde, et ce, même au-delà des frontières de la RDC.
La situation actuelle est alarmante, mais elle offre aussi un potentiel de transformation profonde. Pour galvaniser la population, un véritable « Pacte social » devra non seulement évoquer des promesses de paix, mais aussi intégrer des mécanismes d’action qui responsabilisent et impliquent tous les acteurs de la société congolaise. C’est dans cet esprit que la cohésion nationale devient non seulement un objectif, mais une réalité tangible pour l’avenir de la République Démocratique du Congo.
**Clément MUAMBA**