Comment le dialogue religieux peut-il favoriser la réconciliation en RDC face aux crises persistantes ?


**Le Dialogue Religieux comme Clé d’une Cohésion Nationale en République Démocratique du Congo : Vers un Consensus Élargi ?**

Le 3 février 2025 est marqué par une rencontre non seulement symbolique, mais aussi stratégique pour l’avenir de la République Démocratique du Congo (RDC). Le président Félix Antoine Tshisekedi a reçu une délégation de leaders religieux, reflétant un désir de dialogue et d’unité face à des crises persistantes. Cette interaction entre le chef de l’État et les représentants de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et de l’Église du Christ au Congo (ECC) nous invite à explorer une question centrale : le rôle des institutions religieuses dans la consolidation de la paix et de la cohésion nationale.

### Une Réflexion sur le Rôle des Églises dans la Sphère Politique

À première vue, l’engagement d’églises dans les affaires d’État pourrait sembler atypique, voire inapproprié. Cependant, dans le contexte ultra-divisé d’une nation comme la RDC, les leaders religieux peuvent jouer un rôle distinctif et essentiel. En s’érigeant comme médiateurs, ces institutions peuvent favoriser un climat de dialogue, non seulement entre le gouvernement et la société civile, mais également au sein des différentes communautés ethniques du pays. Il est à noter que la RDC a vécu des décennies de conflits intercommunautaires exacerbés par des tensions politiques. L’expérience des Églises dans la gestion des crises, souvent perçue comme impartiale, devient ici un véritable atout.

Une étude menée par le PNUD en 2021 révélait déjà que 68 % des Congolais considèrent les leaders religieux comme des acteurs clés de la paix. En outre, leur capacité à unir des groupes distincts autour de valeurs communes peut mener à des compromis plus constructifs que ceux envisagés sur des bases strictement politiques. Le projet de sortie de crise, présenté par les leaders des Églises au président, s’inscrit dans cette logique. Cela pourrait également inspirer des modèles similaires sur le continent africain où la religion joue un rôle prééminent dans la vie sociale et politique.

### Le Problème de la Crise à l’Est : Une Urgence Moralement Justifiée

L’intervention des chefs religieux dans le contexte actuel du pays est d’autant plus cruciale face à la situation particulière de l’Est de la RDC. Pendant trois décennies, cette région a été le théâtre de violences inouïes, d’abus des droits humains et des déplacements massifs. Les déclarations des chefs religieux, particulièrement celles du Cardinal Ambongo, évoquent non seulement une solidarité spirituelle, mais également un appel à l’action. Les acteurs religieux ne peuvent plus rester sur la touche alors que près de 5 millions de personnes souffrent encore des conséquences des conflits armés.

Statistiques alarmantes viennent appuyer cette situation : selon le rapport d’International Crisis Group de 2022, près de 13 millions de Congolais sont en situation d’insécurité alimentaire et les conditions de vie dans l’Est demeurent catastrophiques. Les Églises ont donc un rôle à jouer non seulement en tant que porte-paroles de la souffrance humaine, mais aussi en tant qu’acteurs mobilisateurs d’initiatives humanitaires.

### Renforcement de la Cohésion et Construire sur des Valeurs Partagées

La déclaration de Mgr Nshole sur l’importance de bâtir « ensemble sur la base de nos valeurs communes » mérite d’être scrutée. Dans un pays où la fragmentation est souvent plus forte que l’unité, la valorisation de traditions partagées, qu’elles soient religieuses ou culturelles, peut offrir une avenue de réconciliation. Cela pourrait amener, par exemple, à des projets interconfessionnels de développement communautaire ou à des programmes éducatifs qui encouragent l’empathie et le respect mutuel.

### Vers un Consensus National Plus Inclusif

Les plaidoyers des leaders religieux pour un consensus national soulignent également la nécessité d’une démocratie participative où toutes les voix peuvent être entendues. Ce faisant, la RDC pourrait suivre des exemples d’autres pays africains, tels que le Mozambique qui, après une guerre civile prolongée, a su trouver une voie vers la paix par le biais de dialogues inclusifs intégrant des acteurs de différentes couches de la société.

Les églises, en tant qu’acteurs de la société civile, sont donc placées dans un contexte favorable pour encourager cette intégration. En soutenant les initiatives de gouvernance inclusive, elles pourraient renforcer la confiance entre le pouvoir politique et la population, favorisant ainsi une dynamique d’engagement civique.

### Conclusion : Un Appel à l’Action Collective

La rencontre du 3 février entre le président Tshisekedi et les leaders de la CENCO et de l’ECC n’est pas seulement un événement passager, mais représente l’espoir d’un renouveau sociopolitique en RDC. En s’appuyant sur l’influence des institutions religieuses pour bâtir des ponts plutôt que des murs, le pays a une opportunité unique de réinventer ses processus de paix dans un cadre de dépassement des réelles divisions qui le rongent. C’est un défi qui nécessite non seulement l’engagement des pasteurs et des évêques, mais aussi de tous les acteurs de la société afin de construire un avenir commun pacifique et durable.