Pourquoi la Grâce Présidentielle en RDC devient-elle un commerce illégal au détriment de la justice ?


**La Grâce Présidentielle : Entre Droit, Éthique et Corruption à la Prison Centrale de Makala**

La République Démocratique du Congo (RDC) est, depuis des décennies, sur le devant de la scène internationale pour ses nombreux défis socio-économiques et politiques. Parmi ces défis, la question de l’accès à la justice, et plus précisément le dispositif de la grâce présidentielle, ne cesse d’alimenter le débat. Les récents propos d’Emmanuel Cole, président de la Fondation Bill Clinton pour la Paix, marquent un tournant dans cette discussion, révélant une réalité troublante : le monnayage des grâces présidentielles à la prison centrale de Makala.

### Une Pratique Systématique ?

Selon Cole, le système de « monnayage » des grâces ne se limite pas à un simple incident isolé, mais serait une pratique largement répandue à travers le pays. Ce phénomène soulève des questions légitimes quant à l’intégrité du processus judiciaire et la manière dont les droits humains sont respectés à tous les niveaux. On pourrait légitimement se demander combien de condamnés pourraient bénéficier de cette mesure, et à quel prix.

En analysant ce problème sous un angle plus large, on observe que la perception de la grâce présidentielle dans la RDC transcende le cadre légal. Elle devient un outil de manipulation. En effet, les gouverneurs de pavillon et certains greffiers, acteurs clés dans ce processus, semblent jouer un rôle ambigu, se positionnant à la fois en gardiens de la justice et en opportunistes. Cette situation crée un terrain fertile pour la corruption, incitant les détenus et leurs familles à se tourner vers des pratiques douteuses pour espérer une libération.

### Les Statistiques de la Corrélation

Des études menées par diverses ONG sur la corruption et les droits humains en RDC montrent une corrélation inquiétante entre la pauvreté des familles des détenus et le recours à des pratiques illicites pour la libération de leurs proches. Dans une enquête menée par l’ONG « Congrès pour la Défense des Droits Humains », il a été constaté que près de 65% des familles de détenus sollicitent une forme de paiement en raison de la désespérance que leur situation engendre.

En 2021, un rapport de la Banque Mondiale a mis l’accent sur le besoin urgent de réformes dans le système judiciaire pour corriger ces inégalités. Ce rapport insiste sur le fait que les droits des détenus sont souvent sacrifiés sur l’autel de la corruption institutionnelle. La distribution arbitraire des grâces présidentielles pourrait bien être le reflet des structures de pouvoir en place, mais surtout de l’absence d’une réelle volonté politique d’évoluer vers un état de droit.

### L’Aspect Éthique : Une Réflexion Nécessaire

Au-delà des aspects pratiques, cet enjeu interroge aussi les valeurs éthiques qui sous-tendent le système judiciaire. Emmanuel Cole appelle à une révision des critères d’éligibilité à la grâce présidentielle, particulièrement pour les crimes graves tels que les viols. Cette revendication, bien que pertinente, doit être posée dans un cadre plus large qui inclut une réflexion sur la déontologie du pouvoir judiciaire et sur la responsabilité individuelle et collective envers la société.

Les autorités congolaises devraient envisager d’instaurer des mécanismes de transparence pour les décisions de grâce présidentielle, notamment par la mise en place de commissions indépendantes chargées d’évaluer les demandes sans connotation financière.

### Vers une Réforme Mise en Oeuvre

Aujourd’hui, alors que le cabinet du ministre de la Justice, Constant Mutamba, promet une réaction face à ces accusations, l’évolution des institutions judiciaires sera déterminante. Il est crucial qu’une série de réformes judiciaires soient envisagées pour répondre aux réclamations des ONG, mais surtout pour rétablir la confiance des citoyens dans un système qui semble souvent défaillant.

En conclusion, l’affaire dévoilée par la Fondation Bill Clinton pour la Paix doit servir de catalyseur pour une reconsidération profonde de la justice pénale en RDC. Il ne s’agit pas seulement d’un appel à l’action, mais d’un impératif social pour une nation désireuse de mettre fin aux abus et de redéfinir les contours d’un système judiciaire juste et équitable. La RDC a le potentiel de transformer cette crise en opportunité, d’en faire un témoignage vivant de la résilience d’un peuple en quête de dignité et de justice. Une rénovation de ce système, accompagnée de mesures concrètes, pourrait non seulement instaurer la confiance au sein des institutions, mais également servir de modèle à d’autres pays en proie à des maux similaires.