L’élection présidentielle au Ghana : un tournant crucial vers un avenir meilleur


L’élection présidentielle en cours au Ghana est bien plus qu’un simple processus de transition du pouvoir. C’est un moment crucial pour un pays confronté à des difficultés économiques croissantes, à une polarisation politique croissante et à une crise de confiance parmi sa population.

Depuis le début de sa transition vers la démocratie en 1993, le Ghana a souvent été considéré comme un exemple de paix et de stabilité en Afrique de l’Ouest. Cependant, avec la récente défaillance de sa dette souveraine, une inflation élevée et une population de plus en plus désabusée face aux institutions du pays, cette élection revêt une importance capitale. Les Ghanéens ont maintenant l’opportunité de façonner leur avenir et de réclamer une gouvernance plus efficace.

Les enjeux de cette élection sont considérables : une inflation atteignant 22%, des prix alimentaires en hausse fulgurante et plus de 30% de la population vivant dans la pauvreté. L’incapacité du parlement à adopter un budget provisoire en raison de querelles partisanes a encore aggravé la crise, laissant le futur financier du pays dans l’incertitude. La dette du Ghana représente actuellement un impressionnant 70,6% de son PIB, illustrant des années de mauvaise gestion et d’emprunts inconsidérés. Pour de nombreux Ghanéens, cette situation représente un véritable combat pour leur survie : des retraités qui voient leurs économies disparaître dans des programmes de restructuration de dettes, des commerçants qui ne peuvent plus se permettre d’acheter des marchandises et des diplômés sans emploi plusieurs années après leur remise de diplôme. Ces récits reflètent une image sombre d’une nation en détresse.

Pourtant, dans cet environnement de désillusion, les élections du 7 décembre offrent aux Ghanéens l’occasion de rompre avec les alliances politiques traditionnelles et d’exiger de leurs dirigeants plus de transparence, de responsabilité et d’innovation. Le paysage politique est polarisé entre le parti au pouvoir, le New Patriotic Party (NPP), et le parti d’opposition, le National Democratic Congress (NDC). Cependant, l’émergence de candidats indépendants, tels qu’Alan Kyerematen, ancien membre du NPP et ancien ministre du Commerce et de l’Industrie, bouleverse un peu ces schémas établis.

Le Plan de Grande Transformation de Kyerematen pourrait remettre en cause la suprématie des deux grands partis et résoudre certains des problèmes économiques critiques. En revanche, le vice-président Mahamudu Bawumia, du NPP, centre sa campagne sur une narration axée sur la digitale et le développement infrastructural pour relancer l’économie. Bawumia est toutefois confronté à des crises sur la plupart des fronts qu’il avait promis de résoudre.

L’ancien président John Dramani Mahama, du NDC, se présente comme un réformiste, mettant en avant un « redémarrage d’urgence » de l’économie et s’appuyant sur son expérience passée. Cependant, le bilan de Mahama lui-même lors de son mandat précédent n’est pas sans taches, et il est légitime de se demander dans quelle mesure il pourra cette fois-ci tenir ses promesses.

Dans ce contexte, Kyerematen a l’opportunité, avec sa campagne axée sur l’unité, la gouvernance pragmatique et une planification économique à long terme, de séduire une frange croissante de la population ghanéenne désenchantée par les deux principaux partis. Même en tant que candidat indépendant, sa participation, bien que confrontée à des obstacles structurels et financiers élevés, pourrait bien siphonner des voix aux deux partis établis, voire même entraîner un second tour qui modifierait le cours politique du Ghana.

Cependant, ces élections vont bien au-delà des tours de scrutin : les institutions démocratiques du Ghana sont mises à rude épreuve. Des manifestations contre des irrégularités supposées dans l’inscription des électeurs, combinées à la crainte de fraudes électorales, menacent de saper la confiance du public.

Bien que la signature de pactes de paix par les candidats soit un pas dans la bonne direction, des mesures concrètes sont nécessaires pour garantir que le processus électoral ne soit pas entaché. La Commission électorale du Ghana doit assurer transparence et impartialité pour éviter que le processus ne dégénère en chaos.

Pour un Ghanéen moyen, ces élections sont une affaire personnelle. Elles concernent le prix du pain, le coût du carburant, la disponibilité des emplois et l’espoir d’un lendemain meilleur. Ces frustrations économiques sont le moteur des choix des électeurs, c’est pourquoi les récents sondages montrent que huit Ghanéens sur dix pensent que le pays prend la mauvaise direction.

Ces élections sont devenues un référendum non seulement sur les politiques économiques du NPP, mais aussi sur ses échecs plus larges en matière de gouvernance qui ont laissé des millions de personnes abandonnées par le système. Les élections seules ne peuvent résoudre les problèmes affectant le Ghana. Un changement radical de cap implique inévitablement un changement de paradigme dans l’exercice du pouvoir et de la prise de décision. Il nécessite des dirigeants politiques prêts à placer l’intérêt national au-dessus des gains partisans, à écouter la volonté du peuple et à avoir le courage d’entreprendre des réformes nécessaires mais politiquement difficiles. Et cela exige que les citoyens eux-mêmes s’engagent pleinement dans ce processus démocratique pour garantir une gouvernance plus juste et transparente, ainsi qu’un avenir meilleur pour tous les Ghanéens.