« Projet de loi asile et immigration : des débats houleux au Sénat sur les quotas migratoires et le regroupement familial »

Après un certain nombre de reports, les débats sur le projet de loi asile et immigration ont finalement débuté au Sénat. Ce texte, qui suscite de vives controverses au sein de la Chambre haute française, divise l’opposition et même la majorité. Deux mesures clés ont déjà été adoptées, instaurant des quotas en matière d’immigration et durcissant les conditions du regroupement familial.

Les débats à la Chambre haute ont été particulièrement animés, avec l’ouverture du Sénat à la réforme de l’immigration. Ce projet de loi, vivement contesté par l’opposition et les associations, constitue un véritable piège politique pour le gouvernement qui a dû le reporter à plusieurs reprises.

Le gouvernement résume l’esprit de sa réforme en une simple phrase : « Être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils ». Cependant, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a décidé d’abandonner cette formule pour privilégier les mots clés « fermeté et simplification », afin de parvenir à un texte « ferme, juste et surtout efficace ». Face à une Chambre haute inclinée vers la droite, il doit en effet convaincre sur le volet répressif en facilitant notamment les expulsions des étrangers délinquants.

La première mesure adoptée par la Haute Assemblée va dans le sens d’un renforcement de l’immigration : les sénateurs ont voté en faveur de l’instauration de quotas migratoires déterminés chaque année par le Parlement, une revendication de longue date de la droite. Gérald Darmanin ne s’est pas opposé à cet article ajouté par le Sénat, arguant que la France, comme tous les pays du monde, a le droit de choisir les personnes qu’elle souhaite accueillir sur son sol.

Le Sénat a également adopté, malgré l’opposition de la gauche, un durcissement des conditions du regroupement familial, qui permet à un étranger de demander l’arrivée en France de son conjoint et de ses enfants. Il est cependant incertain que la gauche de la majorité présidentielle, qui est attachée au volet intégration du texte, accepte ce genre de mesures à bras ouverts à l’Assemblée nationale en décembre.

La voie est étroite pour le gouvernement s’il souhaite éviter une nouvelle utilisation de l’article 49.3 de la Constitution, qui permet d’adopter le texte sans vote mais expose à une motion de censure. Les Républicains ont brandi cette menace, mais elle a peu de chances d’aboutir sans le soutien de la gauche.

La Première ministre, Élisabeth Borne, a répété à de nombreuses reprises que le gouvernement chercherait des majorités pour faire adopter le texte. Gérald Darmanin est également convaincu de trouver « une voie de passage », tout en s’opposant à l’utilisation de l’article 49.3. Cependant, Olivier Marleix, président des députés LR, a qualifié cette affirmation d' »illusionniste » sur Europe 1.

Le sort du projet de loi dépendra d’abord du Sénat, où la droite et les centristes détiennent la majorité. Ils pourraient remodeler le texte à leur convenance, à condition de parvenir à un accord entre eux.

Cependant, les deux alliés peinent à trouver un terrain d’entente sur l’article 3, qui prévoit un titre de séjour d’un an renouvelable pour les travailleurs sans papiers dans des secteurs en pénurie de main-d’œuvre. Il s’agit d’un point sur lequel Les Républicains ont établi une ligne rouge et dont l’examen, prévu mardi ou mercredi, pourrait être reporté en attendant un éventuel compromis.

« On ne peut pas à la fois vouloir expulser davantage tout en régularisant davantage », a déclaré Bruno Retailleau, président des sénateurs LR. Cependant, Élisabeth Borne a répondu que cette mesure ne provoquerait pas « un appel d’air » pour l’immigration illégale, mais serait plutôt une mesure de bon sens largement soutenue, notamment par les employeurs.

Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, estime également que l’article 3 est un minimum et qu’il faut aller au-delà d’un an.

La mesure divise même au sein de la majorité, l’aile sociale de la macronie en faisant un totem. « La majorité est attachée à l’équilibre de ce texte », a déclaré Stella Dupont, députée du groupe Renaissance, se disant « troublée » par certaines « expressions » du gouvernement. Elle se dit confiante, mais ne votera pas aveuglément en faveur du texte.