### Vers une appropriation africaine des processus de paix : le nouvel engagement de Kagame et Ramaphosa ?
Lors de l’Africa CEO Forum à Abidjan, les présidents rwandais Paul Kagame et sud-africain Cyril Ramaphosa ont marqué les esprits par leur volonté d’insuffler un nouveau souffle aux dynamiques de résolution des conflits en Afrique, notamment en ce qui concerne la crise sécuritaire persistante dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Cette rencontre, empreinte d’un esprit de coopération, survient à un moment où les relations entre Kigali et Pretoria ont connu des tensions notables, laissant place à des interrogations quant à l’efficacité et la viabilité des solutions africaines face aux crises régionales.
Kagame, tout en soulignant le rôle souhaitable de partenariats avec des pays extérieurs tels que le Qatar et les États-Unis, a plaidé pour une autodétermination africaine dans la gestion des conflits. La notion de « définir la direction qu’elle veut prendre » fait écho à une aspiration de plus en plus forte sur le continent : la prise en main des affaires africaines par les Africains eux-mêmes. Cette revendication pour une « appropriation africaine » des processus de paix, mise en avant par Ramaphosa, témoigne de la conscience croissante des dirigeants du continent face à leur capacité à agir sans dépendre totalement de financements ou d’interventions extérieures.
Il convient d’examiner cette dynamique à la lumière des progrès réalisés par l’Union africaine (UA) dans les dix dernières années. En effet, l’UA a établi des mécanismes de paix et de sécurité qui visent à réduire la dépendance aux soutiens financiers étrangers. Pourtant, les résultats restent nuancés. La question se pose donc : comment garantir que cette volonté de souveraineté ne se heurte pas aux réalités géopolitiques et économiques qui pèsent souvent sur les décisions prises à l’échelle continentale ?
La déclaration exprimée par les deux présidents révèle une intention de dépasser les antagonismes récents. Une telle démarche peut à la fois être perçue comme un signal positif pour l’unité régionale et comme un défi à la fragilité des relations diplomatiques africaines, surtout lorsqu’il s’agit de gérer des conflits internes, comme ceux qui affectent la RDC depuis plusieurs décennies. Les tensions entre le Rwanda et l’Afrique du Sud, exacerbées par des accusations mutuelles concernant la responsabilité des violences dans la région, ont nécessité un climat de dialogue constructif, même si des questions subsistent sur la sincérité et la durabilité de cette entente.
Au-delà des discours, il est essentiel d’explorer comment ces leaders envisagent de transformer leurs paroles en actions concrètes. La question de la coordination avec des partenaires extérieurs, tout en préservant une approche fondamentalement africaine, est un équilibre délicat à maintenir. Les contributions extérieures peuvent apporter une aide précieuse, mais elles doivent être intégrées dans un cadre qui respecte les aspirations et les initiatives des nations africaines.
Cette volonté de prise en charge des conflits africains par les Africains pose également la question des capacités locales à gérer, reconstruire et pacifier des territoires dévastés par des décennies de conflits. La mise en place de mécanismes de gouvernance robustes, l’instauration d’une réelle participation citoyenne et le renforcement des institutions judiciaires sont autant de prérequis pour créer un environnement où les solutions de paix peuvent s’épanouir.
Ainsi, les propos de Kagame et Ramaphosa offrent une opportunité de réflexion sur l’avenir de la paix en Afrique. En affirmant que les processus de paix doivent être endossés et appropriés par les Africains, ils soulignent non seulement une volonté politique, mais aussi l’impératif d’enraciner les solutions dans les réalités locales et culturelles. Il reste à surveiller comment ces intentions se traduiront dans les actes et quelles implications celles-ci auront pour l’avenir de la région des Grands Lacs et au-delà.
En conclusion, l’appel partagé pour une intégration et une autodétermination africaines, tout en étant le fruit d’une prise de conscience, devra surmonter des défis significatifs. Le chemin vers une paix durable en Afrique ne peut reposer uniquement sur la volonté des dirigeants, mais requiert également l’adhésion des populations et la construction d’un consensus sur des solutions acceptées et adaptées aux diverses réalités du continent. L’heure est peut-être venue pour un nouveau chapitre dans la résolution des conflits africains, mais ce chapitre devra être écrit ensemble, avec une véritable écoute des aspirations et des préoccupations locales.