Le Sénégal lance un dialogue national pour renforcer la participation citoyenne à travers la plateforme Jubbanti.

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### Dialogue National au Sénégal : Une Plateforme pour l’inclusion ou une Exclusion numérique ?

Le Sénégal s’apprête à engager un dialogue national sur son système politique, une initiative particulièrement attendue pour le 28 mai. Dans ce cadre, les autorités ont mis en place un outil novateur, la plateforme en ligne Jubbanti, qui ambitionne de donner la parole à tous les citoyens. Cette démarche revêt une importance symbolique forte dans un contexte où les préoccupations autour de la démocratie, des droits humains et des réformes institutionnelles occupent une place centrale dans le débat public.

**Jubbanti : Une Promesse d’Inclusion**

Jubbanti se présente comme un instrument de participation citoyenne, posant aux Sénégalais 19 questions réparties sur trois thématiques majeures : démocratie et droits humains, processus électoral, et réformes institutionnelles. Ce projet a déjà été testé lors des Assises de la justice l’année précédente, et son facilitateur, Cheikh Guèye, souligne son caractère innovant : « Pour la première fois depuis longtemps, les citoyens peuvent contribuer activement à un dialogue national, sans calcul électoral immédiat. » Cette déclaration témoigne d’un souhait d’impliquer directement la population dans des discussions souvent perçues comme réservées à un cercle restreint de politiciens et d’experts.

En intégrant une plateforme numérique dans le processus de dialogue, les autorités semblent vouloir répondre à un besoin de transparence et d’inclusion, tout en aspirant à moderniser les habitudes politiques du pays. L’image de l’arbre à palabres, allusion à la tradition africaine de débat communautaire, fait écho à une quête de reconnection entre la société civile et les décideurs politiques.

**Les Limites de l’Initiative**

Malgré ces initiatives louables, il est crucial de s’interroger sur l’accessibilité réelle de Jubbanti. L’utilisation de cette plateforme est dépendante des compétences numériques des citoyens et nécessite un accès à Internet. Dans un pays où la fracture numérique demeure une réalité, avec une population rurale moins connectée et moins formée à l’usage de ces outils, il soulève une question essentielle : cette approche numérique ne risque-t-elle pas d’exclure une partie significative de la population ?

Le mouvement citoyen Y en a marre, via la voix de son vice-coordinateur Khafor, pointe ce défi avec justesse : « Tous les Sénégalais ne savent pas manipuler cet outil numérique ». En effet, ignorer cette dimension pourrait limiter la participation de ceux dont les voix sont déjà marginalisées dans les discussions politiques. La crainte est de voir Jubbanti se transformer en un espace de dialogue où seules les opinions des utilisateurs les plus technophiles puissent s’exprimer, rendant superflues les contributions de ceux qui n’ont pas les moyens d’utiliser ces outils.

**Vers une Participation Élargie**

Pour que cette initiative trouve tout son sens, il serait pertinent de l’accompagner de rencontres physiques et de concertations sur le terrain. Ces discussions locales permettraient de s’assurer que les préoccupations de l’ensemble de la population, y compris celles des groupes les plus vulnérables, soient entendues. En parallèle, cela offrirait une opportunité de sensibilisation et d’éducation numérique pour mieux préparer les citoyens à participer à de futures initiatives.

Les autorités, en promettant que chaque proposition émise sur Jubbanti sera examinée et qu’un « bilan citoyen » en sera publié, montrent une volonté d’engagement. Cependant, la manière dont ces retours seront intégrés dans la discussion en cours sera déterminante pour assurer la légitimité et l’efficacité de cette démarche.

**Conclusion : Un Pas Vers l’Avenir ou une Direction Tendant à Diviser ?**

La mise en place de Jubbanti dans le cadre du dialogue national est, sans conteste, un pas vers une plus grande inclusion des citoyens dans les affaires politiques du Sénégal. Néanmoins, son succès dépendra largement de la capacité des autorités à adresser les défis d’accessibilité et d’éducation. La réflexion sur les voies à emprunter pour garantir que toutes les voix soient entendues dans ce dialogue est primordiale. À défaut, le risque est de créer une illusion de participation tout en laissant une partie de la population en marge du débat.

La situation actuelle pose ainsi la question essentielle de l’équilibre entre avancées technologiques et inclusivité. Dans un pays qui aspire à un avenir démocratique plus fort, construire des ponts entre les différentes strates de la société pourrait s’avérer être la clé d’un dialogue national véritablement fructueux.

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