Le film Coursier de nuit révèle les inégalités socio-économiques et les aspirations d’une jeunesse saoudienne en mutation.

Le film « Coursier de nuit » (ou « Mandoob » en arabe) s
### « Coursier de nuit » : Un regard sur une jeunesse saoudienne en quête d’identité

Le film « Coursier de nuit », ou « Mandoob » en arabe, s’inscrit dans un paysage cinématographique en ébullition, soulignant les réalités socio-économiques complexes de l’Arabie saoudite. Sorti fin avril dans les salles françaises, ce thriller réalisé par Ali Kalthami offre un aperçu fascinant d’une Riyad méconnue, loin des clichés souvent véhiculés. Suivant le parcours de Fahad, un antihéros jonglant entre multiples emplois pour subvenir aux besoins de sa famille, le récit met en lumière non seulement une réalité personnelle, mais également des questions sociétales plus larges.

#### La dualité de Riyad : entre pauvreté et opulence

L’Arabie saoudite, symbole de richesse pétrolière, abrite également des inégalités marquées. Selon des données de la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie occidentale (ESCWA), en 2023, environ 13,6 % de la population saoudienne vit en dessous du seuil de pauvreté. Dans ce contexte, le personnage de Fahad incarne un quotidien difficile, confronté à la réalité d’un marché noir florissant, notamment celui de l’alcool, prohibé pour les Saoudiens. Ce sillage d’illégalité contraste avec les styles de vie d’une élite aisée, renforçant un clivage social palpable.

Le film illustre ce décalage en présentant différentes facettes de Riyad, passant des rues animées aux soirées luxueuses. Kalthami, en partageant ses propres expériences, ancre son récit dans une réalité authentique, tout en questionnant les dynamiques de pouvoir et de classe. Cette approche permet d’ouvrir un dialogue sur la perception de la société saoudienne, souvent simplifiée à l’extrême.

#### Cinema saoudien : un nouvel élan créatif

L’émergence d’un cinéma saoudien, tel que symbolisé par ce film, atteste d’une volonté d’expression culturelle et d’une conversation plus large au sein de la société. La levée de l’interdiction sur les salles de cinéma en 2017 a permis un renouveau, avec une production annuelle d’environ trois à cinq longs-métrages. Comme l’indique Maxime Bos, ancien diplomate en Arabie saoudite, le paysage cinématographique est en pleine structuration, avec un afflux de jeunes talents qui cherchent à raconter des histoires variées.

Le soutien institutionnel, à travers des formations et des festivals, témoigne également de l’intention de renforcer cette nouvelle voix. Le Festival international du film de la mer Rouge, par exemple, devient une plateforme cruciale pour exposer ces productions au monde.

#### Une ouverture contrôlée

Cependant, cette libéralisation culturelle s’opère dans un cadre précis. Comme le souligne Karim Sader, politologue et consultant, les autorités saoudiennes semblent encourager une forme d’ouverture tant que les récits ne mettent pas en danger le statu quo. « Coursier de nuit » aborde des thématiques pertinentes sans attaquer frontalement l’autorité politique, ce qui en fait un exemple de la complexité des discours cinéma en Arabie saoudite.

Cet équilibre délicat soulève des questions sur la manière dont la jeunesse saoudienne, majoritairement connectée et ouverte aux influences extérieures, veut se projeter. Avec une population dont 60 % a moins de 30 ans, il est impératif de reconnaître leurs aspirations et besoins en termes d’identité culturelle. La demande accrue pour des récits qui résonnent avec leur vécu pourrait jouer un rôle dans l’évolution à long terme de la société saoudienne.

#### Réflexions pour l’avenir

Au-delà de la simple production cinématographique, « Coursier de nuit » soulève des enjeux cruciaux tels que la précarité économique, le trafic et la violence sociale. En mettant en exergue la marginalisation de certains segments de la population, le film invite à une réflexion plus profonde sur les conditions de vie en Arabie saoudite et sur les moyens de créer des opportunités économiques durables.

Alors que le royaume repose sur une économie diversifiée, il est essentiel de trouver des solutions qui répondent aux besoins des jeunes et des populations vulnérables. Cela pourrait impliquer un soutien accru aux initiatives génératrices d’emploi, une sensibilisation aux enjeux sociaux, ainsi qu’une ouverture à des échanges culturels plus vastes.

En somme, « Coursier de nuit » n’est pas seulement un film sur la lutte d’un homme. C’est une fenêtre sur un pays en mutation, confronté à ses paradoxes, et une invitation à examiner les moyens par lesquels ces récits peuvent contribuer à une meilleure compréhension de la société saoudienne. Au fur et à mesure que le cinéma saoudien prend son essor, il sera intéressant d’observer comment ces nouvelles voix continueront à façonner le paysage culturel et social du royaume.

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