**Ethiopie : Un Pâques de Sacrifice et de Réflexion dans un Contexte de Conflits**
Les célébrations de Pâques, connues sous le nom de Fasika en Éthiopie, ont revêtu cette année une signification particulière au sein d’un pays déjà éprouvé par des conflits armés et des défis socio-économiques. Alors que les chrétiens de différentes dénominations se rassemblent pour commémorer la mort et la résurrection de Jésus, ces festivités soulignent un besoin croissant de paix et de réconciliation à travers le pays.
Au cœur de cette célébration religieuse, un message fort a émergé : la nécessité d’embrasser le sacrifice, l’amour et la paix. Le prêtre Leul Adbaru, s’exprimant lors des services de vendredi saint à l’église Bole Medhanialem d’Addis-Abeba, a rappelé que l’amour divin doit se traduire par des actes concrets au sein de la communauté. Ces mots résonnent d’autant plus dans un climat où les tensions sont palpables et où des conflits récents, notamment dans la région de l’Amhara et la voisine Tigray, continuent d’affecter la vie quotidienne de millions de citoyens.
Des répercussions économiques des conflits
L’Ethiopie, avec ses plus de 125 millions d’habitants, a constaté une hausse alarmante des prix, exacerbée par des facteurs tels que l’inflation galopante et le chômage. L’impact de ces défis est visible dans les rues des villes, où la tradition de partager un festin familial de viande est compromise pour les plus vulnérables, comme l’a partagé Fitsum Getachew, un travailleur qui a fait la queue pendant des heures pour obtenir une part de la festin traditionnel. La générosité des organisations locales prend un sens accru dans ce contexte où les familles doivent souvent se tourner vers des rituels d’entraide communautaire pour honorer leurs traditions culturelles.
Dans une société où la convivialité est primordiale, le fait que cette Pâques soit marquée par la lutte pour accéder aux baraques de viande traditionnelles est révélateur des défis auxquels de nombreux Éthiopiens sont confrontés. La question se pose alors : comment préserver les traditions culturelles dans un contexte d’adversité socio-économique ?
Appel à l’humilité et à la réconciliation
Face à ces défis, le Premier ministre Abiy Ahmed a invité les Éthiopiens à adopter une approche de réconciliation, d’humilité et de dialogue. Cette exhortation est particulièrement pertinente alors que le pays continue de naviguer à travers des périodes de civil unrest. La paix durable repose sur des mentalités ouvertes, capables de regarder au-delà des divergences ethniques ou politiques et de rechercher un semblant d’unité dans la diversité.
La ferveur avec laquelle les Éthiopiens ont célébré Pâques cette année rappelle aussi leur résilience. Les longues soirées de prières et l’unité observée dans les églises témoignent d’un profond désir de retrouver un sens de la communauté malgré les blessures du passé. Cela incite à se poser la question suivante : quels rôles les leaders religieux et communautaires peuvent-ils jouer dans la facilitation d’un dialogue qui cherche à guérir, plutôt qu’à diviser ?
L’espace pour l’espoir
Dans le panorama actuel, il est également essentiel de regarder vers l’avenir avec un certain niveau d’espoir. Les récentes initiatives de paix, telles que l’accord de 2022 qui a mis fin à la guerre en Tigray, offrent un cadre pour imaginer un futur plus stable. Cependant, la redynamisation des structures institutionnelles et la création d’opportunités économiques doivent également être prioritaires afin de construire une fondation solide sur laquelle les Éthiopiens peuvent s’appuyer.
Ainsi, Pâques 2023 ne se résume pas uniquement à une célébration religieuse, mais devient un moment d’introspection collective et de réflexion sur les choix que fait la nation face à des défis monumentaux. Les promesses de sacrifice, d’amour et de paix peuvent être les graines d’une transformation nécessaire si elle est accompagnée d’une volonté sincère de dialogue et d’engagement à tous les niveaux de la société.
En ce sens, la question demeure ouverte : comment l’Éthiopie peut-elle transformer ces valeurs spirituelles en actions concrètes qui favorisent la paix et la solidarité dans une société si diversifiée et complexe ? Les réponses à cette question n’appartiennent qu’à ceux qui en ressentent véritablement le besoin : le peuple éthiopien, qui, au-delà des défis, cherche à voir naître un avenir meilleur.