### Manono : eau potable et enjeux miniers au cœur des préoccupations locales
La cité de Manono, ainsi que ses chefferies voisines, Bakongolo et Kliuba, situées dans la province du Tanganyika en République démocratique du Congo (RDC), se trouvent à la croisée de deux réalités contrastées. D’un côté, cette région est dotée de ressources minérales significatives, notamment le lithium, considéré comme un élément clé dans la transition énergétique mondiale. De l’autre, les populations locales vivent une crise aiguë d’accès à l’eau potable, essentielle pour la santé et le bien-être des communautés.
### Un besoin pressant en eau potable
Un rapport socio-économique réalisé par Afrewatch et La Sentinelle en 2024 met en lumière la situation préoccupante des habitants de Manono et de ses environs concernant l’accès à l’eau. Selon cette étude, la priorité d’une majorité de la population est la desserte en eau potable. En effet, seulement 15 % des personnes interrogées estiment que l’accès à l’eau est adéquat. Les infrastructures existantes, comme la centrale de la Regideso, héritée de l’époque coloniale, sont largement obsolètes et ne répondent plus aux besoins actuels. Cela laisse une grande partie de la population dépendante de puits traditionnels ou de bornes fontaines, souvent mis en place par des organisations humanitaires, mais insuffisants pour garantir une eau potable de qualité.
Les villages des chefferies Bakongolo et Kliuba semblent être les plus touchés. À Kanteba et Luba, par exemple, les habitants s’approvisionnent exclusivement via des puits traditionnels, tandis qu’à Malata, la rivière Lukushi est la principale source d’eau, bien qu’elle soit non traitée. Manono Centre, même s’il est mieux loti, ne dispose que de quelques points d’eau temporaires. Ces circonstances soulèvent des questions fondamentales sur la gestion des ressources en eau dans une région qui pourrait bénéficier économiquement de ses richesses naturelles.
### Les implications de l’exploitation minière
L’exploitation croissante du lithium par des entreprises comme Dathcom et Manono Lithium SAS soulève des espoirs économiques. Toutefois, elle engendre également des préoccupations légitimes. L’extraction de ce minerai requiert d’importantes quantités d’eau, ce qui pourrait accentuer la pénurie déjà ressentie par les communautés locales. Le rapport d’Afrewatch indique que la rivière Lukushi, principale source d’approvisionnement en eau, est menacée par ces activités minières, entraînant des risques de tarissement et de pollution.
Les craintes exprimées par les communautés quant à l’accaparement des ressources en eau par les projets miniers sont des préoccupations cruciales. Il est pertinent de se demander comment les entreprises peuvent contribuer à un équilibre entre leurs besoins opérationnels et ceux des populations locales. Les engagements sociaux de ces entreprises revêtent une importance capitale pour établir un dialogue constructif entre les acteurs impliqués.
### Vers une gestion durable des ressources
Le rapport recommande plusieurs actions qui pourraient améliorer la situation. Parmi ces suggestions, la mise en place de systèmes d’approvisionnement en eau potable simplifie les besoins des communautés locales. Un respect rigoureux des normes environnementales pour éviter la pollution des ressources en eau est également essentiel. En parallèle, il est recommandé que le gouvernement intègre des obligations claires en matière d’accès à l’eau dans les cahiers de charges des entreprises minières.
Ainsi, les autorités locales ont la responsabilité de non seulement renforcer les structures de gestion communautaire de l’eau, mais également de sensibiliser les populations aux droits relatifs à l’accès à l’eau. Cela pourrait ouvrir la voie à une gestion collaborative et équitable des ressources en eau.
### Réflexions et perspectives
La question de l’accès à l’eau potable à Manono ne doit pas être considérée isolément. Elle est intrinsèquement liée à des enjeux de santé publique et de justice sociale. À l’aube d’une ruée vers le lithium, les retombées économiques devraient bénéficier en priorité aux populations locales, en garantissant un accès équitable et sécurisé à l’eau pour tous.
Les entreprises et les autorités ont ici une occasion précieuse de transformer la manne minière en levier de développement durable. Comment peuvent-elles envisager une collaboration plus étroite, qui prenne en compte les besoins des populations tout en optimisant les bénéfices économiques ? C’est peut-être en ouvrant un espace de dialogue avec les communautés que des solutions durables pourront émerger.
En fin de compte, l’accès à l’eau potable doit figurer au cœur des priorités, tant pour le bien-être des habitants que pour la pérennité des projets miniers. Les défis qui se présentent à Manono sont complexes, mais la volonté d’unir les efforts pourrait ouvrir la voie à un avenir plus équitable.