**Rugby à Kinshasa : Une Révolution en Herbe ou un Écran de Fumée ?**
Au cœur de Kinshasa, où le bruit des klaxons se mêle à celui des cris de la rue, une initiative inattendue prend forme. La Fédération congolaise de Rugby (Fécorugby) a lancé un séminaire de formation destiné aux éducateurs sportifs, avec l’ambition affichée d’introduire ce sport dans les écoles et universités du pays. Une belle promesse, n’est-ce pas ? Mais derrière ce vernis de dynamisme sportif se cachent des questionnements plus profonds sur la place du rugby et, plus largement, sur le sport en tant qu’outil de transformation sociale en République démocratique du Congo.
Le président de la Fécorugby, Herman Mbonyo, ne cache pas son enthousiasme : « Notre objectif est d’introduire cette discipline sportive dans les milieux scolaire et universitaire ». En théorie, cela sonne comme un plan ambitieux et nécessaire. Et pourtant, il est difficile de ne pas s’interroger sur les motivations réelles qui sous-tendent cette initiative.
Car la RDC, pays aux ressources inépuisées et aux défis colossaux, a dû faire face à des priorités plus pressantes qu’un essai de rugby. Dans un système éducatif souvent à la traîne, où l’accès à l’enseignement de qualité reste un luxe, est-ce vraiment le moment pour développer un sport qui, avouons-le, ne rivalise pas encore avec le football, sport roi qui fait vibrer des millions de cœurs congolais ?
La formation dispensée par Teddy Tshisuaka, le Directeur technique national, est censée outiller ces éducateurs pour qu’ils deviennent les ambassadeurs d’un sport encore en pleine exploration. A-t-on vraiment besoin d’une balle ovale pour unir les élèves autour de valeurs comme le respect et la cohésion ? Ou bien ce séminaire n’est-il qu’une façade, un vernis pour masquer un manque d’infrastructures et de moyens dans le secteur sportif ?
Certains pourraient y voir une opportunité de rendre le rugby populaire, avec l’espoir secret qu’il puisse enfin prendre racine dans un pays où le sport est souvent synonyme de simple divertissement, et non d’un axe de développement. Pourtant, l’histoire nous rappelle que dans bien des pays, ces initiatives sportives ont souvent échoué à capter réellement l’attention des jeunes, au profit de disciplines plus traditionnelles. Un contraste saisissant aurait pu émerger si la même dynamique avait été investie dans les sports déjà prisés, comme le football ou le basket.
Renforcer les capacités des éducateurs doit être applaudi, mais une question subsiste : comment s’assurer que ces éducateurs ne tombent pas dans les travers d’un modèle de formation standardisé, qui ignore les spécificités culturelles et sociales du pays ? La RDC, avec ses multiples réalités, mérite un sport qui évolue de manière organique et authentique, en adéquation avec les aspirations de sa jeunesse.
Alors, un séminaire sur le rugby, est-ce un souffle frais pour le sport congolais ou juste un sursaut désespéré dans un océan de défis ? Pour éviter que cet élan ne se transforme en fumée, il faut des réponses concrètes : qu’adviendra-t-il si les infrastructures et le matériel nécessitent des financements inaccessibles ? Qu’en sera-t-il de la formation continue pour ces éducateurs, une fois le séminaire fini ?
Si le rugby peut servir de ciment pour ériger des valeurs, il doit aussi devenir un outil véritable au service de la jeunesse congolaise. Dans ce vague mouvement de réforme, la vraie question reste ; avons-nous la volonté et les moyens de bâtir une véritable culture du rugby, ou n’est-ce qu’une bulle qui finira par éclater, laissant derrière elle les rêves d’une nouvelle génération d’athlètes déçus ?
Il est temps d’unir idéal et pragmatisme, car, dans un pays où l’espoir côtoie souvent le désespoir, le sport pourrait tout aussi bien être l’élément de rassemblement qui crée la différence.