### Kinshasa : L’eau à deux vitesses, une promesse sous tension
Kinshasa, le 9 avril 2025. La ville, vaste et vibrante, existe à deux vitesses. D’un côté, les communes de l’est et de l’ouest qui, comme à l’accoutumée, sont privées d’eau potable. De l’autre, une promesse de rétablissement qui résonne à travers la voix de David Tshilumba, le Directeur Général de Regideso, la compagnie nationale d’approvisionnement en eau. Les assemblées de secouristes, ces tankers fièrement envoyés à l’assaut de la soif, sont sur le terrain. Mais au-delà du discours et des déclarations d’intention, une question brûle les lèvres : quoi de neuf sous le soleil d’une capitale en lutte perpétuelle pour ses ressources vitales ?
### Le douloureux ballet des promesses
Tshilumba, tout en optimisme, évoque le retour imminent de l’eau dans les robinets de quartiers comme Cité verte ou Mont Ngafula. Cependant, ses explications révèlent des réalités plus sombres : le temps nécessaire à l’approvisionnement. Sept à huit heures pour que l’eau atteigne les foyers. Sept à huit heures pendant lesquelles s’accumulent l’impatience et l’inquiétude des milliers de familles qui attendent, assoiffées. Ce délai, presque sœur de l’indifférence, ne fait qu’illustrer une gestion souvent défaillante, alimentée par des infrastructures vieillissantes et une gestion de crise qui semble se réinventer à chaque saison des pluies.
La situation à Mitendi, où l’eau de source est engloutie par les glissements de terrain, doit également faire réfléchir. Que signifie « qualité » pour des habitants qui doivent sans cesse se battre contre les caprices de la nature et les défaillances d’un système fragilisé ? L’assertion de Tshilumba sur l’engagement à offrir de l’eau de qualité, si précieuse pour prévenir les maladies liées à l’eau, résonne comme un écho dans une vallée d’expérience amère. Les promesses d’un soutien gouvernemental, présenté comme urgent, semblent trop souvent être des band-aids sur une plaie béante.
### Une responsabilité partagée ?
À travers ces déclarations, le cadre politique apparaît, lui, comme un acteur à l’ombre. Un soutien renforcé, mais modeste. Cette dichotomie entre urgence et action questionne la volonté réelle des autorités. Combien de temps ce discours de crise sera-t-il encore utilisé comme un alibi pour justifier une inaction chronique ? Que sont devenues les priorités d’un gouvernement censé garantir les droits fondamentaux de son peuple, tels que le droit à l’eau ?
Regideso, selon Tshilumba, ne peut pas porter ce fardeau seule. Et quelle pression cela met-il sur les épaules des Kinois ? Il est facile d’exiger la transparence et la responsabilité de ceux qui gèrent l’eau, mais qu’en est-il des citoyens qui, encore, se retrouvent dans un jeu de roulette avec leur accès à l’impératif le plus basique ?
### La vie au-delà du robinet
Et tandis que l’on ne parle que de l’eau, qu’en est-il des répercussions sur la vie quotidienne des Kinois ? Les manifestations de solidarité, le bénévolat – tout cela s’estompe derrière les promesses d’un réseau qui se réapprovisionne. Les habitants de Tata Raphaël ou du Stade des Martyrs, où des victimes de catastrophes ont été accueillies, vivent-ils mieux pour autant ? L’hydratation d’un jour peut-elle masquer des mois ou des années de négligence ?
Ces grands discours sur la mise en place de groupes de distribution d’eau dans les zones sinistrées, qui sont souvent présentés comme des bouées de sauvetage, soulèvent d’une voix forte un paradoxe. Une redistribution d’eau orchestrée par les autorités est-elle capable de vraiment compenser les manquements d’un service public mis à genoux par des décennies de gestion classique et peu efficace ?
### L’impasse du quotidien
Il reste à espérer que l’aube du 10 avril illuminera une réalité nouvelle pour les Kinois. Que la promesse d’une eau plus accessible ne soit pas simplement un mirage supplémentaire, une illusion d’un instant pour cacher le manque d’infrastructures, de vision, et de responsabilité qui nourrit ce cycle vicieux de pénurie. Le défi est colossal, et la solution nécessite plus qu’une simple promesse. Elle exige une véritable révolution, un engagement à long terme pour transformer les faiblesses structurelles en forces.
Le grand théâtre de la distribution d’eau à Kinshasa continue de jouer sa pièce. Il ne reste qu’à espérer qu’un jour, les acteurs derrière ce rideau — bureaucrates, techniciens, politiciens — décideront de rassembler leurs efforts pour mettre un terme à cette pièce tragique, et œuvrer ensemble pour inscrire enfin le droit à l’eau dans le quotidien des Kinois. Parce qu’au fond, l’histoire ne bouge que lorsque ceux qui la racontent commencent à parler vrai.