### Couloir vert Kivu-Kinshasa : Une Promesse de Développement Durable au Coeur des Défis Sociaux et Environnementaux
Le 1er novembre 2024, la Première Ministre Judith Suminwa a annoncé une initiative ambitieuse : le décret n°25/01 établissant le couloir vert Kivu-Kinshasa. Destiné à favoriser le développement durable en intégrant les communautés locales dans des projets d’économie verte, cette initiative suscite à la fois des espoirs et des interrogations, notamment sur sa mise en œuvre.
Si le couloir vert représente indéniablement une avancée pour les zones urbaines comme Kinshasa, il met en exergue des problématiques de gouvernance et de participation citoyenne essentielles pour la réussite des réformes. La Coalition des organisations de la société civile pour le suivi des réformes et de l’action publique (CORAP) souligne que la ville a un potentiel inexploité en ressources naturelles qui, si bien géré, pourrait transformer le paysage socio-économique local. Cependant, des questionnements subsistent quant à l’inclusivité du processus décisionnel qui a conduit à la création de ce couloir.
### Le Potentiel de Kinshasa : Une Réserve de Ressources à Exploiter
Kinshasa se positionne comme un carrefour stratégique grâce à sa proximité avec le fleuve Congo et ses réserves naturelles. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), plus de 60% des terres agricoles en RDC pourraient être consacrées à l’agriculture durable. En intégrant ce potentiel dans le couloir vert, le gouvernement pourrait non seulement stimuler l’économie locale, mais aussi promouvoir la sécurité alimentaire et la conservation des ressources.
Cependant, pour que ces initiatives soient véritablement bénéfiques, elles doivent répondre à des normes environnementales et sociales strictes. Des statistiques provenant de la Banque mondiale indiquent qu’une mauvaise gestion des ressources naturelles pourrait entraîner des pertes économiques de l’ordre de 15% du PIB de la RDC d’ici 2030, ce qui plaide en faveur d’une mise en œuvre rigoureuse et réfléchie du projet.
### Les Défis de la Mise en Œuvre : Entre Aspirations et Réalités
La facilité avec laquelle le décret a été adopté soulève des inquiétudes parmi les acteurs concernés, notamment en ce qui concerne le respect des principes de consentement libre, informé et préalable (CLIP). Le rôle des communautés locales et des peuples autochtones n’a pas été suffisamment pris en compte, compromettant ainsi la durabilité de cette initiative. D’après un rapport de la CORAP, l’absence de consultation préalable pourrait générer des conflits d’intérêts et des contestations juridiques qui nuiraient à l’image du gouvernement.
Les enjeux sont d’autant plus complexes lorsqu’on considère les superpositions de concessions déjà existantes à Kinshasa. La gestion des droits coutumiers doit être au cœur de la stratégie, sans quoi, des tensions pourraient émerger, aggravant la situation socio-politique de la capitale. La cohabitation des droits de propriété entre les concessions antérieures et celles créées par le couloir vert pourrait, si elle n’est pas mue sous une législation claire, engendrer des conflits intercommunautaires qui altéreraient encore plus la stabilité de la région.
### Vers une Meilleure Gouvernance et une Participation Active
Pour que le couloir vert Kivu-Kinshasa soit un vecteur positif de développement, il est impératif que le gouvernement garantisse une intégration authentique des acteurs locaux dans toutes les étapes de ce projet. Le respect des droits des communautés impactées et l’adhésion du public à l’initiative détermineront son succès à long terme. La CORAP, en tant qu’organisation de référence, préconise des consultations au niveau de la base, impliquant les acteurs clés dès les premières phases de planification.
De plus, une stratégie de communication claire et transparente est cruciale pour transformer les scepticismes en confiance mutuelle. En observant d’autres initiatives de corridors verts en Afrique, comme celui du corridor de l’Initiative pour la conservation de la biodiversité au Sénégal, on peut noter que l’implication des populations dans la conception et l’exécution des projets a souvent conduit à des résultats positifs.
### Conclusion : Un Appel à l’Action Réfléchie
En somme, la création du couloir vert Kivu-Kinshasa est une mesure audacieuse qui pourrait, si elle est correctement mise en œuvre, transformer la dynamique socio-économique de Kinshasa tout en respectant l’intégrité environnementale. Cependant, le défi reside dans la capacité du gouvernement et des parties prenantes à intégrer les préoccupations des communautés locales tout en élaborant une stratégie de mise en œuvre proactive et inclusive. La vigilance et le dialogue continu sont les clés pour que cette initiative ne soit pas uniquement un projet sur le papier, mais devienne une réalité bénéfique pour tous les Congolais.
Dans cette entreprise ambitieuse, l’espoir ne réside pas seulement dans le succès du couloir vert, mais dans la construction d’un modèle de développement inclusif et durable qui servira de référence pour d’autres pays en quête d’équilibre entre croissance économique et préservation des ressources naturelles.