**La Mort Tragique du Brigadier Fiston Kabeya Senda : Une Réflexion sur la Violence et l’Impunité en Milieu Urbain**
La tragédie qui a frappé la République Démocratique du Congo (RDC) avec la mort du brigadier Fiston Kabeya Senda, policier de circulation routière, soulève des questions pressantes sur la violence systémique et l’impunité qui gangrènent la société. Selon les déclarations officielles, l’agression brutale du brigadier, attribuée à l’escorte de la Première ministre Judith Suminwa, est plus qu’un simple incident : elle devrait servir d’alerte sur les dynamiques de pouvoir, la fonction de l’autorité publique, et la santé du tissu social.
Au cœur de ce drame, la première réaction du gouvernement, par l’intermédiaire de Judith Suminwa, fut de présenter ses condoléances et d’appeler à la retenue face aux spéculations. Cela démontre la tendance des autorités à gérer les crises par le biais d’un discours officiel, alors même que la population est en quête de transparence et de justice. Le communiqué de la Primature a exprimé un « profond regret » tout en mettant en garde contre la désinformation. Toutefois, ce message, qui semble apaiser les esprits, peut également être perçu comme un réflexe contre l’indignation populaire qui se nourrit de sa méfiance envers les institutions.
L’incident souligne un constat troublant : la vie d’un policier de circulation routière, dont le rôle est vital dans la régulation de la circulation et le maintien de la sécurité publique, est prise dans des circonstances de violence. En effet, Kabeya Senda n’est pas une victime isolée. La violence à l’égard des agents de l’ordre est un phénomène préoccupant, souvent exacerbé par des inégalités socio-économiques et une perception de l’autorité marquée par la méfiance. Une étude menée par le Bureau des Nations Unies pour la lutte contre la drogue et le crime (UNODC) a révélé que les policiers en RDC sont souvent perçus comme partie intégrante d’un système de corruption, ce qui crée un cycle où la violence engendre la violence, et où des vies sont sacrifiées dans ce contexte chaotique.
Les statistiques concernant la violence sur le lieu de travail révèlent également une réalité troublante. Selon le rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT), environ 2.78 millions de personnes décèdent chaque année des suites d’accidents liés au travail, et dans certains pays, les policiers sont parmi les professionnels les plus exposés à la violence. Le chiffre est alarmant : 20,5% des policiers en RDC rapportent avoir été victimes de violence durant l’exercice de leurs fonctions. Ce climat de peur et d’insécurité ne touche pas seulement les policiers, mais également la population qu’ils sont censés protéger.
Face à cette situation, que peut-on espérer en matière de justice, surtout quand des instances comme la Justice militaire, engagées à examiner les circonstances du décès, sont souvent perçues comme des prolongements de l’appareil gouvernemental ? Les récentes annonces du ministre de la Justice, Constant Mutamba, de poursuivre en flagrance ceux qui seraient impliqués dans l’attaque contre le brigadier, semblent facétieuses dans un environnement où l’impartialité judiciaire est souvent contestée. L’article 7 de la Constitution de la RDC stipule que « nul ne doit être arbitrairement privé de sa vie », mais la réalité quotidienne laisse trop souvent à désirer.
En fin de compte, la mort du brigadier Kabeya ne devrait pas être perçue comme un simple fait divers. Elle constitue un appel à l’action pour l’ensemble de la société congolaise, et en particulier pour les décideurs, afin d’initier des réformes profondes non seulement au sein des forces de police, mais aussi dans toutes les couches de l’État. Les organes compétents doivent non seulement garantir la justice et la transparence, mais aussi établir un véritable dialogue avec la population afin de rebâtir la confiance au sein des institutions.
La tragédie de Fiston Kabeya est le reflet d’une RDC en quête d’identité, coincée entre une perception d’autorité oppressive et le besoin d’efficacité sécuritaire. Ce drame doit nous pousser à envisager un modèle où le respect de la vie humaine prime, un modèle où chaque citoyen, qu’il soit policier ou civil, puisse vivre sans la menace de la violence. Seule une approche inclusive, alliant sécurité, justice, et réconciliation, permettra de sortir de ce cycle infernal et d’envisager un avenir plus pacifique pour tous.