**Le procès en appel d’Aliou Bah : un miroir des tensions politiques en Guinée**
Le 26 mars 2024, Conakry a été le théâtre d’un événement judiciaire qui suscite des interrogations profondes sur l’état de la démocratie en Guinée. Le procès en appel de l’opposant politique Aliou Bah, président du Mouvement démocratique libéral (MoDeL), a débuté dans une salle d’audience remplie à craquer. Cette affaire, marquée par des accusations d’offense et de diffamation à l’encontre du chef de la junte, le général Mamadi Doumbouya, soulève des enjeux bien au-delà des simples accusations portées contre Bah.
La première instance a abouti à une peine de deux ans de prison ferme, un verdict qui s’inscrit dans un contexte où les tensions entre l’opposition politique et le pouvoir militaire sont palpables. Rappelons que Bah a été condamné pour des propos tenus après le coup d’État de septembre 2021, qui a renversé le président Alpha Condé, un événement qui a marqué un tournant historique dans le pays.
Les tribunes des parts civiles et du parquet, parsemées de tensions procédurales, ont abouti à un report de l’affaire au 9 avril prochain, une décision qui a suscité incompréhension et frustration parmi les avocats de la défense. Maître Almamy Samory Traoré a exprimé son étonnement face à cette situation : « Nous attendions que l’affaire soit plaidée à l’audience aujourd’hui. » Une voix qui résonne avec la perplexité de nombreux observateurs, qui voient dans ce renvoi un test de la volonté du système judiciaire guinéen à faire preuve d’équité et de transparence.
Aliou Bah, quant à lui, s’est exprimé avec conviction et sérénité. Dans un cadre où la justice et la vérité sont souvent les premières victimes des rapports de pouvoir, sa déclaration reste frappante : « Je ne me reproche rien. Il n’y a aucune preuve qui dit que j’ai diffamé qui que ce soit. » Sa question, « quel type de société voulons-nous construire ? », résonne dans un contexte où la quête de liberté d’expression et de démocratie se heurte aux réalités d’un régime militaire.
Les droits de l’homme et la liberté d’expression en Guinée sont des sujets sensibles, surtout dans un pays qui a connu une histoire tumultueuse. La présence de représentants des chancelleries occidentales à l’audience — l’Union européenne, la France, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Belgique et l’Espagne — souligne l’importance de cette affaire sur la scène internationale. Ces pays observent de près l’évolution politique en Guinée, et leur soutien implicite à Aliou Bah renvoie à un impératif de respect des droits de l’homme que tous les gouvernements doivent observer.
Pour mieux saisir les enjeux, il convient de rappeler d’autres contextes de transition politique en Afrique, où des mouvements similaires ont été perçus comme des baromètres de la santé démocratique. Par exemple, les récentes élections en Côte d’Ivoire et au Mali ont montré que les discours politiques et les confrontations peuvent engendrer des tensions entre pouvoir et opposition, mais aussi des espoirs de changement. Les statistiques ABI (Africa Barometer Index), qui mesurent la perception de la démocratie sur le continent, soulignent souvent une défiance croissante des citoyens envers les institutions qui ne respectent pas les principes fondamentaux de la démocratie.
La situation d’Aliou Bah, en tant qu’opposant condamné, invite à une réflexion plus profonde sur les formes de résistance pacifique et leurs impacts. Son ancrage dans les valeurs de sa foi durant le mois sacré du ramadan, où il plaide pour la justice et la liberté, rappelle les forces de résilience face à l’oppression. Des figures historiques ayant subi des persécutions semblables, comme Nelson Mandela ou même Martin Luther King, illustrent comment la foi et la détermination peuvent catalyser de grands changements sociopolitiques.
À travers ces prismes, le procès d’Aliou Bah transcende le cadre judiciaire. Il devient un symbole de la lutte pour des droits fondamentaux dans un pays où l’incertitude politique reste omniprésente. En effet, alors que la Guinée est à un carrefour de son histoire, le résultat de ce procès pourrait non seulement décider du sort d’un homme mais aussi influencer la direction future de toute une nation.
Finalement, le mois d’avril prochain s’annonce crucial. Ce qui se joue dans les couloirs du tribunal n’est pas seulement l’avenir d’Aliou Bah, mais peut-être la voix d’une société en quête de vérité, de justice et de démocratie. Les observateurs locaux et internationaux scruteront de près cette audience, et avec elle, se poseront les questions plus larges du respect du droit à la libre expression et de la gouvernance démocratique en Guinée.