**Titre : Les Défis de la Médiation en Afrique : La Fin de la Mission Angolaise et l’Avenir de la Paix en RDC**
L’actualité politique et sécuritaire en Afrique centrale connaît une évolution cruciale avec la décision de la Présidence angolaise de se retirer de son rôle de médiateur dans le conflit armé opposant la République Démocratique du Congo (RDC) aux rebelles du M23, soutenus par le Rwanda. Cette issue, annoncée à l’approche de l’accession du président angolais João Lourenço à la présidence de l’Union Africaine, soulève plusieurs interrogations sur le paysage médiatique africain et sur la capacité des institutions à faire face à des crises aussi complexes.
L’Angola, qui avait été désigné médiateur en 2022, tente depuis de mettre un terme à une spirale de violence qui a déjà causé de nombreuses pertes humaines et un flux incessant de déplacés dans l’est de la RDC. Mais, après plusieurs tentatives infructueuses, y compris le sommet du 15 décembre dernier et de potentielles négociations directes entre Kinshasa et les rebelles, le pays a décidé de se concentrer sur ses nouvelles fonctions à l’Union Africaine. Ce retrait pourrait avoir des répercussions importantes sur la dynamique régionale.
Les préoccupations quant à la stabilité en RDC sont exacerbées par le fait que le conflit est enraciné dans des enjeux économiques et géopolitiques complexes. Le contrôle des ressources naturelles, particulièrement des minerais rares, est un des éléments clés qui exacerbe la violence. Environ 70% des réserves mondiales de cobalt se trouvent en RDC, un élément essentiel pour la production de batteries et d’autres technologies modernes. Les intérêts économiques internationaux, couplés à des rivalités historiques entre Congo et Rwanda, compliquent encore davantage cette situation.
Parallèlement, il est intéressant de s’interroger sur le rôle de l’Union Africaine dans ce contexte. La décision de chercher un nouveau médiateur auprès des États membres, sous la houlette de commissions régionales telles que la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC) et la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), soulève des questions sur la pertinence et l’efficacité de l’engagement africain face à des crises internes. Les instances africaines seront-elles en mesure de surmonter des rivalités politiques et des divergences d’intérêts pour garantir une paix durable ?
À travers l’analyse des résultats des sommets précédents, on peut également tirer des leçons. Si le sommet de Dar es Salaam en février 2025 avait recommandé l’unification des processus de paix, il démontre par là même que les approches fragmentées ne produisent que des résultats mitigés. La nomination d’anciens dirigeants comme facilitateurs à la médiation, incluant Uhuru Kenyatta, Olusegun Obasanjo et Hailemariam Desalegn, montre une volonté africaine de puiser dans l’expérience passée. Cependant, l’absence d’une mise en œuvre rapide de leurs missions soulève la question : ces figures charismatiques peuvent-elles réellement faire la différence dans un climat où le ressentiment historique conditionne les positions des parties adverses ?
L’Angola, tout en ouvrant la porte à d’autres initiatives internationales, laisse également entrevoir ses propres défis internes. Alors qu’elle se repositionne sur la scène continentale, le pays doit naviguer habilement entre ses ambitions de leadership et la nécessité de gérer ses propres enjeux socio-économiques délicats. La recherche de la paix dans la région ne peut se faire sans une évaluation rigoureuse des implications que les engagements internationaux entraînent pour la nation et pour la région.
Les inquiétudes continuent de grandir concernant l’impact des puissances extérieures sur cette crise. Des acteurs comme le Rwanda, qui soutiennent actuellement les rebelles, sont-ils intéressés par une réelle solution pacifique ? Les sanctions internationales, les embargos sur la vente d’armement ou les pressions politiques pourraient-elles changer le dynamisme de ces négociations ?
Dans la quête d’une paix durable pour l’est du Congo, il devient impératif d’adopter une approche plus holistique et inclusive qui prend en compte les divers intérêts en jeu, tout en valorisant la voix des populations locales. L’issue de cette crise ne se limitera pas à une simple médiation entre États ; elle nécessitera une transformation sociétale profonde, à même de réunir les différentes communautés et d’éradiquer les racines du conflit.
La situation à l’Est de la RDC est emblématique d’un défi plus large auquel le continent africain fait face : la nécessité de renforcer des institutions régionales et de favoriser un dialogue sincère, en tenant compte de l’histoire, des réalités socio-économiques et des aspirations des citoyens. L’échec actuel de l’Angola comme médiateur peut ainsi être perçu non pas comme une défaite, mais comme une opportunité de repenser la médiation en Afrique, invitant à des solutions novatrices et inclusives capables de répondre aux attentes des populations.
En somme, le retrait angolais, bien qu’il semble être un recul dans la recherche de paix, pourrait paradoxalement conduire à une redynamisation des efforts de médiation, en présentant aux leaders africains l’urgence d’un engagement renouvelé et d’une solidarité face aux défis communs du continent. Les prochaines étapes de l’Union Africaine seront cruciales, mais il apparaît clair que la quête de paix ne doit pas uniquement reposer sur un transfert de responsabilités entre États, mais plutôt sur la construction d’un projet collectif dirigé par les Africains et pour les Africains.
*Clément MUAMBA*