Pourquoi le Qatar ambitionne-t-il de devenir le médiateur clé entre la RDC et le Rwanda ?

### Le Qatar à la croisée des chemins : Diplomatie et enjeux en RDC

Le 18 mars 2023, Doha a été le théâtre d
### Le Qatar, entre diplomatie proactive et enjeux géopolitiques en RDC : Analyse d’une rencontre inédite

Le 18 mars 2023, la scène diplomatique mondiale a été secouée par une rencontre inattendue entre les présidents du Rwanda, Paul Kagame, et de la République Démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, à Doha, sous l’égide de l’Émir du Qatar. Cette réunion, au-delà de son caractère surprenant, soulève des questions profondes sur les dynamiques complexes qui régissent la politique en Afrique centrale et sur le rôle croissant que le Qatar aspire à jouer sur le continent.

#### Une médiation qui repose sur des décennies de relations

La dynamique de la rencontre repose sur une relation fortifiée au fil des ans entre le Qatar, le Rwanda et la RDC. Le chercheur Benjamin Augé souligne que cette diplomatie qatarienne ne s’improvise pas : Doha a instauré un réseau de relations bilatérales significatives, ce qui lui permet d’intervenir dans des conflits aussi délicats que celui de l’Est congolais. Ce n’est pas seulement une question de soutien financier, mais un engagement réfléchi visant à établir un dialogue constructif.

En revanche, il semble que le Qatar soit également perçu comme un acteur dont la proximité avec le Rwanda pourrait poser un défi, particulièrement aux yeux de Kinshasa. Cependant, cette perception pourrait également être un atout : en étant proche des deux parties, le Qatar pourrait servir de pont pour des discussions franches, loin des rapports de force habituels.

#### Capitaliser sur les intérêts économiques

Il est crucial de reconnaître que derrière cette diplomatie réside un intérêt économique. L’engagement du Qatar envers le Rwanda, illustré par l’énorme investissement de 1,6 milliard de dollars pour la construction d’un nouvel aéroport, témoigne d’une stratégie claire. Parallèlement, les visites de hauts responsables qataris en RDC reflètent leur intérêt croissant pour les infrastructures portuaires et aéroportuaires. Ce double niveau d’engagement crée une synergie dont les deux pays pourraient bénéficier.

Cela soulève une question fondamentale : dans quelle mesure les intérêts économiques peuvent-ils influencer les processus de paix ? Dans de nombreuses situations, la stabilité et la prospérité économique sont souvent interconnectées. Ainsi, le succès de cette médiation iranienne dépendra peut-être autant des engagements financiers que des intentions de réconciliation entre les deux pays.

#### Les défis d’une médiation durable

Malgré cette approche prometteuse, il serait imprudent de considérer cette rencontre comme un tournant décisif. En analysant les précédentes tentatives de médiation, il est évident que le chemin vers la paix est semé d’embûches. Les déclarations pieuses concernant le cessez-le-feu ne sont pas une garantie de cessation des hostilités. Le communiqué publié après la réunion à Doha n’a pas présenté de garanties concrètes par rapport aux accords similaires, précédemment établis à Dar es Salaam en février. L’impact réel de cette rencontre dépendra de la volonté des deux présidents d’aller au-delà des mots.

Il convient également de comparer cette initiative qatarienne avec d’autres médiations entreprisent dans le monde, notamment celles orchestrées par l’Organisation des Nations Unies ou l’Union Africaine. Souvent, ces entités se heurtent à des obstacles politiques internes qui limitent leur capacité à intervenir efficacement. À l’opposé, le modèle qatari, basé sur un ancrage économique et des relations personnelles, pourrait offrir une alternative intéressante, bien que risquée, en évitant les lourdeurs bureaucratiques habituelles.

#### À l’intersection de la puissance douce

Cette situation met en lumière le concept de « puissance douce », où le Qatar agit non seulement comme un médiateur mais aussi comme un acteur influent sur la scène internationale. En cultivant des relations stratégiques, l’émirat pourrait devenir un pivot crucial dans le dialogue entre des pays historiquement antagonistes. Cependant, cette stratégie comporte risques : en se positionnant comme intermédiaire, le Qatar pourrait se retrouver impliqué dans des conflits que ses capacités diplomatiques ne peuvent résoudre.

Cette rencontre a également mis en avant un phénomène plus vaste : l’émergence de puissances non traditionnelles sur la scène diplomatique africaine. Alors que d’autres pays, comme la France ou les États-Unis, doivent faire face à des craintes de néocolonialisme, Doha, avec une approche marquée par la neutralité et le développement économique, pourrait se présenter comme un partenaire à privilégier.

#### Conclusion : vers un nouvel équilibre régional ?

La réunion à Doha pourrait marquer le début d’une ère où le Qatar exerce une influence significative dans l’Est de la RDC et au-delà. Cette diplomatie économique, en phase avec les réalités politiques, pourrait favoriser un dialogue constructif. Toutefois, pour que le cessez-le-feu annoncé se traduise par des actes concrets, il sera essentiel de dépasser les déclarations consensuelles et d’engager des actions tangibles.

Le chemin vers la paix en République Démocratique du Congo est encore long, et les conséquences de cette rencontre se déploieront sur un horizon indéterminé. Un véritable consensus nécessitera un engagement mutuel fort des deux pays, soutenus par la détermination d’un Qatar désireux de prouver qu’il est, en effet, un acteur à la hauteur lors de cette danse diplomatique complexe et décisive.