**La RDC face à son destin numérique : un milliard de dollars mais où est la stratégie ?**
La République Démocratique du Congo (RDC) s’engage fermement sur la voie de la transformation numérique, avec un investissement d’un milliard de dollars en partenariat avec une entreprise indienne. Dans un contexte où le monde accorde une importance croissante à la digitalisation, cet engagement financier pourrait apparaître comme une bouée de sauvetage. Cependant, il soulève également des interrogations profondes sur l’orientation stratégique du pays dans ce nouvel élan.
**Un paysage numérique à dessiner**
Les statistiques parlent d’elles-mêmes : avec un taux de pénétration de l’Internet autour de 32 % et celui de la téléphonie mobile à 35 %, la RDC demeure loin derrière des pays comme le Nigeria, qui compte plus de 169 millions d’abonnés mobiles. Le Mobile World Congress (MWC) 2025 à Barcelone a révélé des défis majeurs auxquels la RDC doit faire face pour tirer profit de son potentiel numérique.
La GSMA a noté que sans un financement suffisant, des politiques fiscales allégées, et une feuille de route claire, le pays pourrait voir ses efforts numériques tomber à plat. Ces obstacles évoquent des freins structurels qui vont au-delà de simples carences économiques. Ils touchent au cœur même d’un écosystème numérique qui aspire à se construire, mais qui est entravé par le manque de vision et par une gouvernance souvent jugée opaque.
**Le modèle nigérian : un phare dans la tempête ?**
La comparaison avec le Nigeria est emblématique. Le pays d’Afrique de l’Ouest a non seulement su attirer des investissements massifs, mais aussi développer un cadre incitatif grâce à une coopération efficace entre l’État et les acteurs privés. Un modèle de partenariats public-privé, assorti de politiques fiscales adaptées, constitue la clé de la dynamique nigériane. Le cadre législatif et fiscal propice auquel s’ajoutent des infrastructures solides et une couverture réseau croissante ont permis au Nigeria de devenir un leader du numérique en Afrique.
Il est essentiel que la RDC, en phase de préparation, tire des leçons de la réussite nigériane. La structuration du secteur numérique pourrait également passer par la naissance d’initiatives comme des « Incubateurs numériques » qui viseraient à stimuler l’entrepreneuriat local, à l’image de l’initiative « Co-Creation Hub » au Nigeria, où des startups numériques émergent dans un environnement soutenu par des mentors et des ressources.
**Le coût de l’inaction**
Les experts soulignent qu’il ne suffit pas d’investir des sommes colossales pour garantir le succès d’une révolution numérique. La RDC a d’autres défis à relever, notamment le coût du numérique, l’accès équitable aux services, et l’éducation ou la formation au numérique pour sa jeunesse. À cela s’ajoute la nécessité de créer un cadre transparent et propice à l’investissement – un enjeu critique que ne peut ignorer la gouvernance congolaise.
Une étude de la Banque Mondiale révèle qu’une hausse de 10 % de la pénétration de l’Internet pourrait générer une augmentation de 1,38 % du PIB. Un chiffre qui souligne l’urgence pour la RDC non seulement d’améliorer son infrastructure, mais aussi de s’assurer que ces investissements sont accompagnés de bonnes pratiques de gouvernance, de transparence et de responsabilité.
**Une vision à long terme : réinventer la barre**
En regardant au-delà des chiffres et des accords, il est vital que la RDC élabore un plan quinquennal ou décennal qui ne se limite pas à l’infrastructure, mais qui comprenne également des initiatives en matière d’éducation, d’entrepreneuriat, et de recherche et développement. Une approche holistique pourrait inclure la création de pôles technologiques dans diverses régions du pays, pour encourager l’émergence de talents locaux et le développement de solutions adaptées au contexte congolais.
La curiosité et l’ambition de la RDC peuvent constituer un levier puissant pour dynamiser son secteur numérique. Mais cela demande une mobilisation collective qui commence par un dialogue entre toutes les parties prenantes, d’une vision audacieuse, et d’initiatives concrètes pour stimuler un écosystème digital prospère.
En somme, l’avenir numérique de la République Démocratique du Congo ne doit pas seulement reposer sur des investissements massifs, mais surtout sur une stratégie claire et bien définie, associée à une véritable volonté politique de faire avancer le pays vers cette ère numérique tant désirée. Sinon, la promesse de ce milliard d’euros risque de devenir un simple mirage, indistinct parmi les merveilles inexploitées de cette terre d’opportunités.
*Flory Musiswa*