**Éducation dans l’ombre des conflits : le défi colossal de la reprise scolaire au Nord-Kivu**
Le 7 février, dans un climat d’incertitude et de tension grandissante, Luc Gbaweza Kabango, Directeur de la province éducationnelle (PROVED) de Nord-Kivu 1, a annoncé la reprise des activités scolaires à Goma, sous l’administration du M23 soutenu par les forces rwandaises. Cette décision – prise suite à des discussions avec la Haute hiérarchie de l’Éducation Nationale et Nouvelle Citoyenneté (EDU-NC) à Kinshasa – incarne l’espoir d’un retour à la normalité pour de nombreux enfants, mais soulève également d’importantes questions sur la pérennité et la sécurité de l’éducation dans cette région troublée.
### Une reprise éducative risquée
L’établissement d’un calendrier scolaire dans un contexte de conflit armé, où plus de 3000 personnes ont perdu la vie récemment selon diverses sources humanitaires, semble être une tâche herculéenne. Le PROVED a mis en avant la nécessité d’évaluer les dommages dans les établissements scolaires touchés, comme l’école du Cinquantenaire, et de permettre une reprise progressive. Bien que ces efforts soient louables, la mise en œuvre de telles recommandations s’avère complexe, notamment à cause de l’insécurité persistante et de la détérioration de la situation humanitaire.
Les conditions d’apprentissage dans une telle atmosphère demeurent préoccupantes. Si les écoles rouvrent, comment garantir que les élèves puissent étudier dans un environnement qui soit non seulement conforme aux exigences pédagogiques, mais également sûr ? La mention des séances de « double vacation » prohibées pourrait indiquer une volonté de maintenir une certaine qualité d’enseignement, mais cela semble naïf dans un contexte où les infrastructures ont été lourdement touchées.
### Une crise exacerbée par les réalités contemporaines
Il est crucial de mettre en lumière l’interconnexion entre la crise sécuritaire et la crise éducative qui sévissent au Nord-Kivu. Selon l’UNESCO, les conflits armés sont l’une des principales causes de la déscolarisation des enfants en Afrique. La République Démocratique du Congo (RDC) en général, et le Nord-Kivu en particulier, offre un cas d’école dévastateur où les enfants sont souvent les victimes les plus silencieuses de ces guerres. Les chiffres témoignent de l’ampleur de cette tragédie : un rapport de l’UNICEF évoque environ 3,5 millions d’enfants non scolarisés en RDC, une situation qui ne fera qu’empirer si la paix et l’accès à l’éducation ne sont pas restaurés.
### L’impact des conflits sur le développement à long terme
Les conséquences d’un système éducatif fragilisé sont profondes et de longue portée. Selon une étude menée par la Banque Mondiale, chaque année d’éducation perdue en raison d’un conflit entraîne une diminution des revenus futurs pour ces enfants de près de 10 %. Cela signifie que les générations qui grandissent dans des contextes de guerre comme ceux du Nord-Kivu sont non seulement privées d’un accès à un avenir meilleur, mais elles risquent également de pousser leurs pays vers une instabilité à long terme.
La situation actuelle à Goma nécessite une réponse concertée et innovante. Au-delà de la réouverture des écoles, il est essentiel de mettre en place des mécanismes adaptatifs pour assurer la poursuite de l’éducation dans des situations de crise. Cela pourrait inclure l’utilisation d’approches d’apprentissage à distance, l’organisation de classes d’appoint dans des zones plus sûres, ou encore le soutien psychologique pour les enfants souffrant de traumatismes.
### La solidarité à l’échelle régionale comme réponse
Face à cette crise éducative et humanitaire, la communauté internationale, en particulier les pays de l’Afrique Centrale et de l’Est, doit se mobiliser. Le sommet dédié à la réouverture de l’aéroport de Goma pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire est un premier pas. Toutefois, cela doit être le début d’une réponse plus large, intégrant non seulement l’éducation, mais aussi des programmes socio-économiques qui visent à reconstruire les communautés dévastées.
La communauté éducative, incluant les enseignants, les parents et les élèves eux-mêmes, doit être au centre de cette transformation. Luc Gbaweza Kabango a appelé à leur collaboration et leur implication, mais cette volonté, bien que louable, doit être soutenue par des structures claires et par des ressources adéquates pour faire face à cette crise sans précédent.
### En conclusion
La décision de reprendre les classes à Goma est à la fois une lueur d’espoir et un défi immense, se heurtant à des réalités complexes. Il est impératif de reconnaître que l’éducation est un droit, mais dans un contexte de conflit, ce droit devient une lutte. Les promesses de réouverture ne doivent pas seulement être des mots vides, mais un appel à un engagement concret pour parvenir à un avenir où chaque enfant, quel que soit son contexte, peut aspirer à une éducation digne et enrichissante.