Pourquoi la chute de Goma symbolise-t-elle une crise de légitimité et d’engagement en RDC ?

### La conjoncture RDC-Nord-Kivu : Un tournant historique ou un simple épiphénomène ?

Au cœur des tumultes de la République Démocratique du Congo (RDC), la récente perte de Goma par les Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) face à la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda, ne représente pas seulement un événement militaire, mais un révélateur de dynamiques profondes qui habitent la région depuis des décennies. Alors que les voix s’élèvent pour appeler à une révision des stratégies adoptées par Kinshasa, il est pertinent de se demander : cette énième crise annonce-t-elle un tournant historique ou n’est-elle qu’un épiphénomène dans la longue histoire des conflits congolais ?

#### Un passé lourd de symboles

L’année 2012, lorsque Goma fut déjà prise par les mêmes forces, avait vu émerger une forte solidarité nationale qui avait alors permis une mobilisation contre l’ogre rwandais. L’interpellation de l’ancien député Jean-Baptiste Muhindo Kasekwa sur l’importance d’une mobilisation populaire pacifique évoque cette résistance d’antan. Pourtant, cette ressemblance est empreinte d’une dissonance inquiétante : les dynamiques internes à la RDC ont évolué. Dans les années 2000, alors que les conflits faisaient rage, l’opinion internationale était largement mobilisée, une mobilisation qui semble aujourd’hui s’être essoufflée, voire évaporée.

La comparaison avec d’autres régions en conflit, comme les mouvements de libération en Palestine ou les révolutions arabes, bien que pertinentes, révèle l’absence d’un tissu social et politique congolais cohérent et mobilisé. Une grande partie de la population congolaise, pouvant potentiellement jouer un rôle crucial dans cette résistance, semble être frappée d’apathie, désillusionnée par des années de promesses non tenues et par la corruption galopante des élites politiques.

#### L’isolement diplomatique : un cercle vicieux

L’isolement diplomatique que dénonce Kasekwa mérite d’être examiné sous un prisme plus large. Les relations internationales sont souvent définies par des intérêts stratégiques qui transcendent la simple moralité. Le président Félix Tshisekedi, sous la loupe critique de son prédécesseur, est confronté à la réalité amère que la RDC, malgré ses richesses naturelles, demeure un paria sur la scène internationale. Alors qu’on observe des alliances se nouer dans d’autres régions, notamment entre l’Afrique et des puissances émergentes comme la Chine et la Russie, la RDC semble stagner dans une isolation qui lui est de plus en plus préjudiciable. Les éléments tels que l’extraction minière illégale, le point névralgique autour de l’exploitation des ressources naturelles, deviennent des obstacles sur le chemin d’un soutien global.

#### Le rôle des acteurs régionaux : entre complicité et opportunisme

Le soutien rwandais au M23 soulève également des questions sur le rôle des pays voisins. En regardant l’histoire récente, il est essentiel de souligner que des groupes comme le M23 ne surgissent pas dans un vide géopolitique, mais sont souvent le produit d’un mélange complexe entre tensions ethniques, rivalités régionales et tragédies humaines. Les migrations des populations, où l’histoire des réfugiés est entrelacée avec celles de la violence, renforcent cette dynamique.

Comparer la situation actuelle avec les événements de l’ère Mobutu pourrait offrir des perspectives intéressantes. À l’époque, les conflits, bien que localisés, conduisaient souvent à des interventions internationales, mais aujourd’hui, cette dynamique semble inversée. L’absence d’un protagoniste régional influent qui pourrait apporter une solution pacifique – comme l’avait fait le Président de l’Uganda lors de certains conflits – soulève des inquiétudes quant à l’avenir immédiat de la RDC.

#### Une gouvernance en crise : le défi de la légitimité

Une question persistante demeure : comment le Général de Brigade Somo Kakule Évariste, nouvellement nommé gouverneur militaire, pourra-t-il gouverner une province dont une large part échappe déjà au contrôle de l’État ? Sa nomination, plus qu’un casse-tête stratégique, symbolise les luttes internes pour la légitimité au sein des forces armées. Dans un contexte où la population se détourne de son gouvernement, souvent perçu comme incompétent et corrompu, la tâche de rétablir l’ordre apparaît d’emblée comme un défi insurmontable.

Les enjeux économiques et administratifs, tels que la perte des ressources à Goma, exacerbent cette crainte. En effet, la difficulté de mettre en œuvre des solutions pour une province sinistrée soulève une interrogation : que reste-t-il d’une administration lorsque les bases économiques sont érodées et que la population est en désespoir ?

#### Conclusion : Vers une renaissance ou une résignation ?

La situation actuelle dans la province du Nord-Kivu pourrait bien être l’indicateur d’un changement de mentalité nécessaire non seulement au sein de la population congolaise, mais aussi chez ses dirigeants. La perspective d’un nouveau cycle de violence ou d’une spirale de désespoir n’est pas inéluctable. Plutôt, c’est un appel à la responsabilité collective qui émerge : comment les Congolais peuvent-ils s’auto-organiser pour briser ce cycle de vulnérabilité et de désillusion ?

Alors que le calme précaire de la RDC est à nouveau perturbé, une mobilisation populaire teintée de sagesse et d’unité, appuyée par des tactiques diplomatiques intelligentes, pourrait offrir au pays les clés pour renouer avec son destin. Le temps est peut-être venu non pas simplement de résister, mais de bâtir, de forger une nouvelle identité nationale pour une société historiquement marquée par des conflits incessants