**Chad et la Réinvention de sa Sécurité : Un Équilibre entre Autonomie et Partenariat International**
L’actualité récente, marquée par la restitution de la dernière base militaire française au Tchad, éclaire une nouvelle étape dans la dynamique sécuritaire du pays. Le départ des forces françaises s’inscrit dans un contexte de transformation géopolitique plus vaste, où le Tchad, après avoir dépendu des soutiens étrangers, cherche à affirmer sa souveraineté tout en naviguant dans un environnement international complexe. Ce retrait soulève des questions cruciales : le Tchad est-il vraiment préparé à assumer cette nouvelle responsabilité sécuritaire, et quel avenir pour la coopération militaire en Afrique ?
### Une Décision à Multiple Facettes
Le transfert de la base militaire de Kossei, bien que annoncé par le Tchad, n’est pas qu’une simple formalité bureaucratique. Pascal Ianni, le chef du Commandement des Forces Armées Françaises d’Afrique, évoque une décision délibérée de la France de restructurer sa présence militaire en Afrique. En effet, cette réévaluation des bases militaires a été alimentée par un contexte géopolitique de plus en plus volatil, marqué par la montée des sentiments anti-français dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Ce phénomène, exacerbée par des coups d’État et des changements de régime, laisse entrevoir une réticence croissante à l’égard de l’influence française.
Le Tchad ressent en conséquence le besoin de pivoter vers l’autonomie. Abakar Abdelkerim Daoud, le Chef d’État-Major de l’Armée Tchadienne, s’est félicité de cette transition, témoignant d’une vision d’une armée tchadienne capable de prendre en charge la sécurité nationale. Une question subsiste cependant : dans quelle mesure ce rêve d’autonomie peut-il se réaliser face aux défis sécuritaires posés par des groupes extrémistes islamistes qui continuent de menacer la région ?
### L’Autonomie en Question : Une Réalité Multifacette
À l’heure actuelle, le Tchad, un pays d’environ 16 millions d’habitants, pourrait faire face à des défis de taille dans la gestion de sa sécurité. Bien que l’armée tchadienne, traditionnellement capable de faire face à des conflits internes et aux menaces extrêmes – comme l’ont démontré ses forces dans la lutte contre Boko Haram – la question de la formation, de l’équipement et de la moralité des troupes demeure préoccupante.
Statistiques récentes indiquent que le Tchad dépense environ 3 % de son PIB en dépenses militaires, un chiffre qui place le pays au-dessus de la moyenne pour la région[1]. Cependant, avec la fin de l’appui français, notamment en matière de renseignement et d’entraînement, cette capacité pourrait être mise à mal. Alors que le Tchad planifie de renforcer ses forces armées, la question du financement et des ressources nécessaires à une véritable autonomie reste ouverte.
### Vers de Nouvelles Alliances : L’Afrique et Au-delà
L’heure n’est plus à l’isolement ; le Tchad cherche à tisser de nouvelles alliances. À mesure que le monde multipolaire s’installe, avec l’émergence de puissances comme la Russie et la Chine, le Tchad pourrait s’orienter vers une diversification de ses partenariats. La présence croissante de Wagner en Afrique, par exemple, pourrait attirer l’attention des néophytes cherchant à combler le vide laissé par la France.
De plus, l’avenir de la coopération militaire en Afrique se trouve en redéfinition constante. Des pays comme le Sénégal et l’Angola ont déjà manifesté des intérêts pour une coopération militaire renforcée avec les pays voisins, illustrant une dynamique de réassurance régionale. Le Tchad pourrait explorer ces nouvelles opportunités pour bâtir des ponts à l’échelle sous-régionale.
### Une Réflexion sur le Futur
L’époque post-française est le signe d’une possible renaissance pour le Tchad, une nation riche en potentialités et en ressources humaines. Cependant, cette transformation n’est pas exempte de risques. L’autonomie souhaitée pourrait facilement se heurter à une réalité brutale, à savoir une instabilité politique croissante, des conflits internes et des menaces externes persistantes.
Ainsi, ce tournant devrait inciter les dirigeants tchadiens à évaluer systématiquement leur posture et à s’engager dans une quête proactive de coopération pour relever les défis à venir. La jeunesse – souvent décrite comme l’espoir de l’Afrique – joue un rôle central dans cette dynamique. Une mobilisation judicieuse de cette ressource pourrait bien transformer le paysage sécuritaire d’un pays longtemps sous dépendance.
En définitive, le départ des forces françaises du Tchad symbolise à la fois une opportunité et un défi : l’opportunité de forger une nouvelle identité nationale soucieuse de souveraineté et de sécurité et le défi de construire des systèmes militaires autonomes capables de faire face aux menaces actuelles et futures. Une question persiste : le Tchad saura-t-il réaliser ses ambitions sans l’ombre des bases militaires étrangères ?
[1] *Source : Instituto Nacional de Estadística en Tchad 2022*
### Conclusion
L’histoire du Tchad est en train d’évoluer, marquée par un désir légitime d’autonomie et de renaissance. L’avenir demeurera une exploration, où la sagesse sera d’adapter les anciennes leçons à ces nouveaux défis. Un équilibre précaire entre autonomie et partenariat international se dessine, forgeant un avenir potentiellement radieux, mais semé d’embûches. Alors que le monde observe cette transition, la trajectoire tchadienne sera sans nul doute un cas d’étude fascinant pour les années à venir.