Quelle est la menace de la reprise de l’exploitation pétrolière pour l’environnement ogoni et les communautés locales au Nigeria ?

**Pétrole en terres ogonis : rêve de relance ou cauchemar écologique ?**

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**Pétrole en terres ogonis : rêve de relance ou cauchemar écologique ?**

La récente réunion à la villa présidentielle d’Abuja a ravivé des tensions historiques et des attentes contradictoires au Nigeria. Le gouverneur de l’État de Rivers a plaidé pour la reprise de l’extraction pétrolière dans les terres ancestrales des Ogonis, un sujet épineux qui, depuis des décennies, cristallise les luttes pour la justice environnementale et sociale. La présence de représentants du peuple ogoni et de la Nigerian National Petroleum Corporation Limited (NNPCL) à cette réunion suscite une réaction émotive, surtout du côté associations de la société civile qui craignent une répétition des erreurs du passé.

Historique du droit à la terre et à l’environnement

Depuis les années 1990, l’extraction pétrolière a eu comme conséquence désastreuse la dégradation environnementale dans le Delta du Niger, particulièrement sur les terres ogonis, où Shell a été au cœur des controverses. Les luttes pour l’autodétermination et la protection de l’environnement y sont intimement liées. Ken Saro-Wiwa, figure emblématique du mouvement ogoni, a sacrifié sa vie en 1995 pour dénoncer l’exploitation irresponsable des ressources naturelles. L’esprit de sa lutte subsiste toujours, nourrissant les revendications et les espoirs de ses descendants.

Alex Sewell, expert reconnu du Delta, souligne que la dynamique actuelle pourrait être le résultat d’un mouvement politique plus large. En décembre 2023, le gouvernement a approuvé la vente de sites pétroliers de Shell à un consortium nigérian. Ce développement ne représente pas seulement un changement d’acteur, mais aussi une occasion de redéfinir les relations de pouvoir sur les ressources naturelles.

Une offre controversée : le retour à une industrie polluante ?

Le discours autour des projets de reprise de l’extraction pétrolière évoque souvent des bénéfices économiques. Pourtant, il est nécessaire d’approcher cet enjeu avec prudence. En effet, selon l’Organisation Non Gouvernementale Environmental Rights Action/Friends of the Earth Nigeria, la relance de l’extraction dans ces zones pourrait générer un coût environnemental exorbitant, risquant d’entraîner une pollution des sols et des eaux, aggravant ainsi la situation déjà critique du delta.

Les ONG ont énuméré, dans leurs revendications, la nécessité d’une consultation significative avec les Ogonis avant toute reprise de l’extraction. Cela pose une question fondamentale : jusqu’à quel point les États-nations sont-ils prêts à écouter les voix d’une population autrefois marginalisée ? Le principe de consentement libre, informé et préalable, inscrit dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, devrait guider la reprise de l’exploitation pétrolière.

Des demandes économiques justes

Les chiffres avancés par les ONG pour des compensations financières, tels que le versement de 1 000 milliards de dollars en vue de la restauration de l’environnement, semblent pour le moins ambitieux. Cependant, il convient d’examiner leur fondement : le coût des piliers d’une pollution historique demeure souvent sous-estimé; cela inclut la restauration des écosystèmes, les soins de santé aux populations affectées et la relance économique, essentielle pour la survie des communautés locales.

La contestation n’est pas juste d’ordre environnemental, mais prend aussi une dimension sociopolitique. L’illustration frappante de ce paradoxe est la manière dont les retombées de l’industrie pétrolière sont souvent inégalement réparties. Alors que les géants du secteur continuent de réaliser des bénéfices records, les communautés d’accueil subissent les conséquences d’une exploitation souvent sauvage, marquée par des promesses non tenues de développement et de prospérité.

Vers une transition énergétique durable ?

La question qui se pose est donc : la réactivation de l’extraction pétrolière est-elle le bon chemin à suivre pour le Nigeria, et surtout pour les Ogonis ? À une époque où le monde se dirige vers des solutions énergétiques renouvelables et durables, le Nigeria pourrait-il envisager une alternative à la dépendance au pétrole ?

Des modèles de transition énergétique, visibles dans d’autres pays africains, pourraient offrir des pistes inspirantes. Le Kenya, par exemple, investit fortement dans les énergies renouvelables telles que l’éolien et le solaire, tout en envisageant des approches inclusives pour garantir que les communautés locales en bénéficient réellement. Les Ogonis pourraient ainsi devenir des pionniers de la coopération autour d’énergies vertes, plutôt que de subir à nouveau le cycle destructeur des industries pétrolières.

En somme, la reprise des activités pétrolières en terres ogonis doit être scrutée non seulement à l’aune du potentiel de profit économique, mais aussi comme un indicateur de la volonté du gouvernement nigérian d’engager un dialogue constructif avec les communautés locales, tout en œuvrant pour une justice environnementale. Les décisions qui seront prises dans les mois à venir pourraient dessiner non seulement l’avenir du delta du Niger, mais également celui d’une nation en quête d’équilibre entre développement et durabilité. Un défi de taille, dont l’issue reste incertaine, mais qui s’annonce de plus en plus crucial à l’heure où les enjeux écologiques se font chaque jour plus pressants.