Comment la récente grâce présidentielle en RDC pourrait-elle aggraver les inégalités dans le système judiciaire ?

### La Grâce Présidentielle en RDC : Entre Espoir et Risques

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### La Grâce Présidentielle : Un Espace de Liberté ou un Naufrage Administratif ?

L’ordonnance de grâce collective signée par le président Félix-Antoine Tshisekedi à la fin de 2024 suscite un mélange d’espoir et de scepticisme en République Démocratique du Congo (RDC). Alors que cette initiative vise à alléger la population carcérale et à humaniser le système pénitentiaire, le scénario s’assombrit lorsque des dénonciations émergent, mettant en lumière les dysfonctionnements qui pourraient entacher cette décision.

Le ministre de la Justice, Me Constant Mutamba, a énoncé trois catégories de condamnés qui bénéficieront de cette grâce : ceux condamnés à moins de cinq ans, ceux dont la peine restante est réduite de cinq ans et ceux dont la peine sera commuée. Cependant, le poids de la réalité qui pèse sur les détenus passe souvent inaperçu. C’est le cas des condamnes comme Mike Mukebayi Nkoso, dont l’interpellation met en exergue des problèmes systémiques au sein de l’appareil judiciaire. Son alerte concernant l’absence de réquisitions dans les affaires pénales pose une question cruciale : comment s’assurer que tous les éligibles à cette grâce soient identifiés et peuvent en bénéficier ?

#### Un Mécanisme en Panne

Les révélations de Mukebayi théâtralisent les lacunes de la Justice en RDC. Les circuits administratifs, souvent engorgés, laissent dans leur sillage des condamnés non monitorés, créant un fossé entre le droit et la réalité. C’est une situation qui rappelle des pays comme le Venezuela, où des réformes judiciaires ont souvent été annoncées mais mal mises en œuvre, menant à un climat de méfiance entre la société et l’État. En RDC, cette méfiance trouve ses racines dans un passé où l’arbitraire et la corruption sont des hantises omniprésentes.

Un exemple frappant est le scandale des prisons en pleine surpopulation, estimé à 317 % de la capacité normalement autorisée. Ce phénomène, accentué par des pratiques peu transparentes, pourrait être répercuté par la grâce présidentielle, le risque de favoritisme ou de monnayage étant trop élevé. Les commissions mises en place pour s’assurer de l’éligibilité des détenus doivent faire face à une réalité administrative complexe.

#### Les Enjeux Sociaux et Économiques

Il est impératif d’analyser les conséquences potentielles d’une grâce présidentielle mal administrée. Si des détenus éligibles ne sont pas libérés, cela non seulement entrave leurs droits, mais entraîne également des conséquences pour la société dans son ensemble. Des études montrent que la réinsertion des anciens détenus réduit la récidive et contribue à une société plus stable. En négligeant ceux qui devraient bénéficier de cette mesure de clémence, le gouvernement risque de cultiver un terreau fertile pour la frustration et des comportements déviants.

Dans un contexte où des discussions sur les droits de l’homme se font de plus en plus urgentes, la RDC doit se positionner comme un acteur crédible. Le cas de Mahamat Saleh Haroun, un réalisateur tchadien qui a par ailleurs utilisé le cinéma pour aborder les injustices sociales, illustre à quel point l’art et le discours public peuvent catalyser des changements significatifs. Tout comme l’industrie culturelle a contribué à attirer l’attention sur les mauvais traitements infligés aux détenus dans d’autres nations, le secteur de l’information en RDC a l’opportunité de servir d’alerte face et à la montée d’éventuelles dérives au sein de la mise en œuvre de la grâce.

#### Quelles Voies de Rétablissement ?

Pour éviter d’éventuelles dérives, un certain nombre de mesures peuvent être envisagées. La mise en place d’observatoires indépendants au sein des prisons ou des ONG pourrait garantir une transparence dans le processus. Par ailleurs, une sensibilisation sur les droits des détenus devrait être encouragée. En effet, le droit à une défense équitable et à une information claire est le socle de toute justice démocratique. Une approche proactive, combinée à des réformes systémiques, pourrait transformer la grâce présidentielle en un véritable espoir d’amélioration plutôt qu’en une promesse déchue.

Enfin, le suivi post-libération est crucial. Des programmes d’accompagnement pour les anciens détenus afin de favoriser leur réintégration dans la société sont non seulement une démonstration de compassion, mais également un investissement dans la paix sociale et la stabilité économique. En se basant sur des exemples de pays qui ont réussi, comme l’Allemagne avec son programme de réhabilitation des criminels, la RDC peut apprendre à transformer des histoires individuelles en récits collectifs de rédemption.

En somme, la grâce présidentielle pourrait effectivement être une lueur d’espoir dans un système judiciaire notoirement corrompu et inefficace, si et seulement si elle est mise en œuvre de manière rigoureuse, objective et transparente. Ce n’est qu’alors que la promesse d’une justice humaine et respectueuse des droits fondamentaux deviendra une réalité tangible et durable pour tous les Congolais.