**Tensions croissantes entre l’Algérie et le Mali : un jeu d’échecs diplomatique au cœur de l’Afrique de l’Ouest**
Les relations entre l’Algérie et le Mali, deux nations clés d’Afrique de l’Ouest, sont actuellement mises à rude épreuve. Ce conflit récent, né de l’interventionnisme supposé d’Alger dans les affaires intérieures maliennes, soulève des interrogations profondes sur la nature des alliances et des rivalités géopolitiques dans la région. Au cœur de cette crise se trouve un désaccord fondamental sur la manière de gérer la complexité de la situation sécuritaire dans le nord du Mali.
Les récents propos du ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, condamnant la décision du Mali de reclasser certains groupes séparatistes comme des organisations terroristes, mettent en lumière des visions du monde diamétralement opposées. D’un côté, le Mali, soutenu par une frange de la population qui prône des actions militaires plutôt qu’un dialogue perçu comme inefficace. De l’autre, l’Algérie, qui prône une approche diplomatique, rappelant la nécessité d’une négociation inclusive que la Déclaration d’Alger de 2015 avait institutionnalisée.
**Une approche historique et culturelle**
Pour mieux comprendre cette crise, il est essentiel d’intégrer une dimension historique et culturelle. Les deux nations partagent une histoire riche, marquée par des luttes pour l’indépendance et des aspirations à l’unité. Cependant, leurs trajectoires post-coloniales ont divergé. L’Algérie, marquée par une guerre de libération violente contre le colonialisme français, a cultivé une identité fortement anti-impérialiste, concentrant ses efforts sur la stabilité interne et le soutien à des régimes au sein de l’Afrique francophone. Le Mali, quant à lui, riche de sa diversité ethnique, inclut des groupes qui aspirent à l’autonomie et qui remettent en question le modèle d’État national hégémonique.
Cette configuration met en exergue la contradiction au cœur de la stratégie algérienne : prôner un dialogue qui privilégie les anciens alliés tout en négligeant la légitimité des revendications d’autres groupes au Mali, dont le soutien populaire peut s’avérer variable face à une centralisation de la gouvernance de Bamako.
**Un vecteur de tension : le terrorisme**
Les progrès des groupes armés dans le nord du Mali ont exacerbé cette crise. Les attaques récurrentes des groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique se sont intensifiées, mettant à l’épreuve les stratégies de réponse de Bamako et d’Alger. En 2022, le rapport du Conseil de sécurité de l’ONU faisait état d’une augmentation de 50% des attaques ciblant les forces de sécurité maliennes dans le nord, révélant l’impasse dans laquelle se trouve le Mali. En réponse, le gouvernement malien a accentué sa posture militaire, tentant de mobiliser l’armée nationale à des fins de désescalade de la violence.
Ainsi, le débat autour de la reclassification des groupes séparatistes représente une pierre angulaire du paysage sécuritaire. Si le Mali considère cette démarche comme une mesure légitime pour la défense de sa souveraineté, l’Algérie perçoit cela comme une menace à la paix dans une région déjà instable, où les dialogues doivent continuellement être nourris.
**Un équilibre à trouver : la diplomatie face à l’urgence militaire**
L’enjeu d’un rapprochement entre Alger et Bamako dépasse les considérations bilatérales. Il offre une perspective sur la nécessité de repenser les approches en matière de sécurité en Afrique de l’Ouest. Les tensions entre l’Algérie et le Mali illustrent les défis que représentent la sécurité régionale et le rôle des interventions étrangères. La résilience des populations face aux menaces terroristes nécessiterait une réflexion commune, impliquant non seulement les gouvernements, mais également la société civile, les organisations régionales comme la CEDEAO, et même des acteurs internationaux.
Un sondage récent commandé par des experts en résolution des conflits a révélé que près de 68 % des Maliens abordent la question de la sécurité sous l’angle d’une approche urgente et immédiate, souhaitant voir une action militaire forte plutôt qu’un dialogue qui semblerait stagner. En revanche, les Algériens, fidèles à leur approche de sûreté et stabilité nationale, sont majoritairement favorables à une résolution diplomatique des conflits.
**Conclusion : vers un paradigme coopératif ?**
Alors que la tension entre l’Algérie et le Mali se propage dans l’arène diplomatique, il est crucial de rechercher un équilibre. Les deux nations doivent s’engager sur la voie d’un dialogue constructif, qui combine les légitimités respectives – celles du dialogue et celles de l’action militaire. Ce catalyseur pourrait bien conduire à un nouvel élan pour la paix non seulement pour le Mali, mais également pour toute une région meurtrie par des décennies de conflits. En définitive, les enjeux ne se limitent pas à des intérêts nationaux, mais sont intrinsèquement liés à un futur commun, où la sécurité régionale ne saurait être adossée seulement à des agendas nationaux isolés.
Face aux défis contemporains du Sahara, l’optique d’une coopération régionale s’avère plus pertinente que jamais. La recherche de la paix doit reposer sur un socle de compréhension mutuelle des réalités et des aspirations respectives, favorisant ainsi une stabilité durable dans une Afrique de l’Ouest aux ressources inestimables mais tragiquement déstabilisées.