Dans le royaume du Maroc, une controverse émerge autour des limitations imposées aux prédicateurs concernant ce qu’ils peuvent dire sur la guerre au Moyen-Orient lors de leurs sermons. Cette question a été soulevée lors d’une réunion au Parlement cette semaine, où la députée socialiste Nabila Mounib a exprimé ses préoccupations quant à la manière dont les imams sont restreints dans leur discours sur la situation des Palestiniens et dans leur appel à la lutte religieuse pour soutenir leur cause.
Selon Mounib, aucun imam ne peut aborder la question palestinienne lors de ses prêches. Depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas il y a 14 mois, des militants ont également exprimé leurs inquiétudes quant aux limites imposées aux discours sur les Palestiniens. Le ministère des Affaires Islamiques du Maroc a démenti un document circulant sur les réseaux sociaux prétendant définir ces limites, affirmant que celui-ci était un faux et soulignant le soutien du Maroc à la cause palestinienne.
Cependant, le ministre des Affaires Islamiques Ahmed Toufiq a nié les affirmations de Mounib selon lesquelles les prédicateurs ne peuvent pas aborder le conflit Israélo-Hamas. Il a déclaré : « Tout imam qui parle de barbarie et d’injustice et les condamne est le bienvenu. »
Mais pour certains militants pro-palestiniens au Maroc, ces limitations sont le reflet des tensions entre l’État et la société qui ont émergé depuis le début de la guerre. Ahmed Wehman de l’Observatoire Marocain contre la Normalisation a déclaré que les imams ont le droit, voire le devoir, de prendre position et que le gouvernement n’a rien à voir avec l’opinion publique marocaine.
Le Maroc, qui abrite l’une des communautés juives les plus importantes de la région, a été l’un des quatre pays arabes à normaliser ses relations avec Israël en 2020. Cependant, des dizaines de milliers de manifestants ont régulièrement pris d’assaut les rues des grandes villes du pays pour protester contre les actions d’Israël et demander la rupture des liens diplomatiques avec ce dernier.
Les manifestations ont réuni des personnes de tous bords politiques, y compris des membres du Parti de la Justice et du Développement et de Al Adl Wal Ihsane, un mouvement islamiste interdit mais toléré. Certains de ses membres ont été arrêtés et emprisonnés pour avoir exprimé leur opinion sur les relations du Maroc avec Israël pendant la guerre.
La situation sociale au Maroc a également joué un rôle dans l’intensification des protestations. Avec l’inflation galopante qui touche les familles à faibles revenus, notamment en ce qui concerne le logement dans les grandes villes, un fort mouvement de contestation sociale s’est développé. Ce mouvement s’est aggloméré autour de la question israélo-palestinienne, remettant en question le partenariat entre le Maroc et Israël.
Il est intéressant de noter que les tensions entre l’État et la population se manifestent également dans la remise en question du principe de monarchie, largement soutenu jusqu’à présent par la population marocaine. La question israélo-palestinienne a ouvert un nouveau débat, mettant en lumière des voix opposées à la monarchie, ce qui est une nouvelle donne pour le pays.
Dans un contexte où de nombreux pays de la région exercent un contrôle sur les prédicateurs pour maintenir la stabilité nationale, le Maroc insiste sur son image de pays musulman tolérant et accueillant. Les prédicateurs doivent respecter des directives précises et tout écart peut entraîner leur suspension.
Cette régulation a souvent opposé le gouvernement aux activistes. En 2017, lors des manifestations anti-gouvernementales dans le nord du Maroc, le ministère des Affaires Islamiques avait ordonné aux prédicateurs de dénoncer les activistes pour avoir alimenté la division parmi les Musulmans.
La question de la liberté d’expression des imams dans les sermons soulève des débats complexes au Maroc, mettant en lumière les tensions entre le discours religieux et politique. En cette époque où les enjeux internationaux se télescopent avec les aspirations locales, les Marocains cherchent à exprimer leur solidarité avec les Palestiniens tout en affirmant leur souveraineté sur leur propre territoire.