La récente décision du gouvernement du Burkina Faso de lancer le nouveau passeport biométrique de sa nouvelle génération sans le logo de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) le 3 septembre 2024 pourrait marquer une irréversibilité de la décision des gouvernements du Burkina Faso, du Niger et du Mali en janvier 2024 de retirer officiellement leur adhésion à la CEDEAO, au profit de la nouvelle Alliance des États du Sahel (AES).
La révélation du nouveau passeport produite par la société biométrique chinoise Emptech a été suivie d’une annonce du chef militaire du Mali, le colonel Assimi Goita, le 15 septembre 2024, selon laquelle les trois pays dévoileront bientôt un nouveau passeport biométrique pour l’AES. Cependant, les avantages avérés du développement multilatéral nécessitent que tous les efforts soient déployés pour préserver les institutions multilatérales telles que la CEDEAO, en particulier dans les pays en développement. Face à l’urgence de la situation, la possibilité de réunifier la CEDEAO pourrait présenter un éventuel rayon de soleil si l’ancien président Olusegun Obasanjo et le président Bola Tinubu du Nigéria travaillent en étroite coopération.
Comment la CEDEAO, l’une des meilleures Communautés économiques régionales (CER) reconnues par l’Union africaine, en est-elle arrivée à cette situation indésirable où certains membres ont signifié officiellement leur intention de se retirer de la CEDEAO d’ici janvier 2025 ?
Certaines parties de l’Afrique ont connu des coups d’État militaires au cours des dernières années, y compris en Guinée, au Burkina Faso et au Mali. La Guinée est mentionnée car Obasanjo a visité le pays peu de temps après le coup d’État survenu en 2021 et a conclu que les sanctions habituelles contre les régimes militaires introduites au début des années 2000 ne seraient pas efficaces. Il avait échangé avec le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, qui avait également déploré une tendance similaire en République du Tchad, son pays d’origine.
Le coup d’État militaire au Niger le 26 juillet 2023 semble avoir incité la CEDEAO à intensifier sa réponse. Avec Tinubu à peine deux mois en fonction en tant que président du Nigéria, la CEDEAO a pris une décision stratégique assez malencontreuse en imposant des sanctions pressantes, y compris des menaces d’intervention militaire contre le Niger. Cela s’est déroulé lors de son sommet extraordinaire de l’autorité des chefs d’État et de gouvernement sur la situation politique au Niger le 30 juillet 2023, présidé par le président Tinubu.
Le nouveau régime militaire au Niger, avec ses homologues francophones au Burkina Faso et au Mali, a réagi vigoureusement aux pressions des sanctions en créant l’AES en septembre 2023 en tant que pacte formel de défense mutuelle, passant à des discussions sur une confédération de leurs ministres des Affaires étrangères le 1er décembre 2023, puis à leur décision de quitter la CEDEAO. Le 28 janvier 2024, les pays de l’AES ont publié une déclaration commune de retrait de la CEDEAO, comportant quatre griefs majeurs à l’encontre de l’organisation multilatérale.
Ces griefs incluent l’écart par rapport aux idéaux de ses pères fondateurs et du panafricanisme en raison de l’influence étrangère ; l’absence de soutien aux pays de l’AES dans leur lutte existentielle contre le terrorisme et l’insécurité ; l’imposition de sanctions illégales, illégitimes, inhumaines et irresponsables en violation de ses propres textes ; et l’utilisation de sanctions pour affaiblir encore davantage des populations déjà meurtries par des années de violence. En essence, les sanctions prises par la CEDEAO lors de son sommet extraordinaire du 30 juillet 2023 sont devenues contre-productives pour le multilatéralisme.
Face à ce que l’AES signifie pour la durabilité et la force de la CEDEAO, l’organisation régionale a décidé de changer de cap et d’explorer une diplomatie coopérative pour résoudre l’impasse. Malgré cela, l’autorité des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO lors de sa 65e session ordinaire le 7 juillet 2024 à Abuja sous la présidence du président Tinubu, a exprimé sa déception quant à l’absence de progrès dans ses engagements avec les pays de l’AES. L’Autorité a également désigné le président Bassirou Faye du Sénégal comme facilitateur de la CEDEAO dans ses engagements avec l’AES, en collaboration avec le président Faure Gnassingbé du Togo ; tout en accueillant favorablement l’offre du président Umaro Embaló de la République de Guinée-Bissau de soutenir l’engagement, en particulier avec le Burkina Faso.
Bien que les pays de l’AES aient commencé à produire de nouveaux passeports biométriques sans le logo de la CEDEAO, plusieurs mois après ces efforts de médiation officiels, on peut provisoirement conclure que les actuelles tentatives de médiation de la CEDEAO n’ont pas été très efficaces, d’où la nécessité d’une approche révisée, compte tenu de l’urgence de quelques semaines restantes pour unifier la CEDEAO.
Alors, en quoi la collaboration entre Obasanjo et Tinubu pourrait-elle être une chance de réunifier la CEDEAO ?
Tout d’abord, une analyse de la relation entre les deux hommes, suivie d’une évaluation du caractère approprié d’Obasanjo pour la tâche difficile. À première vue, les preuves montrent qu’Obasanjo et Tinubu n’entretiennent pas les meilleures relations personnelles. Le soutien d’Obasanjo à M. Peter Obi lors de l’élection présidentielle au Nigéria en 2023 en est un exemple.
En somme, la situation actuelle entre la CEDEAO et l’AES souligne l’importance cruciale de la diplomatie, de la médiation et de la coopération pour résoudre les différends et restaurer la confiance entre les nations voisines. Il est impératif que des efforts concertés soient déployés pour trouver des solutions mutuellement acceptables qui renforceront l’intégration régionale et la stabilité en Afrique de l’Ouest.