**Les Pleureuses Bété : Gardiennes d’une Tradition en Péril**
Au cœur de la Côte d’Ivoire réside une pratique séculaire, celle des Pleureuses Bété, véritables gardiennes d’une tradition ancestrale en voie de disparition. Ces femmes, maîtresses des lamentations et des louanges, se trouvent à la croisée des chemins entre préservation culturelle et mercantilisation. Leurs chants, leurs danses et leurs lamentations subliment les funérailles, accompagnant le défunt vers son ultime demeure.
À Zépréguhé, un village empreint de bravoure et d’histoire, Jérôme Koko s’est engagé corps et âme dans la renaissance d’un groupe de Pleureuses Bété. Pour lui, maintenir cette tradition vivante revêt une importance capitale, afin que chaque guerrier disparu soit pleuré et commémoré à jamais. Autour de lui, se rassemblent des femmes qui ont hérité de cet art unique en observant leurs aînées, perpétuant ainsi un savoir-faire transmis de génération en génération.
Cependant, malgré leur attachement inébranlable à cette pratique, les Pleureuses Bété font face à une réalité paradoxale. Longtemps décriées par certaines religions monotheistes et jalousées pour leurs compétences, elles rencontrent désormais une demande croissante dans la région. Cette popularité grandissante les pousse à fixer des tarifs pour leurs prestations, marquant ainsi une transition vers une forme de commercialisation de leurs services.
Pour certaines Pleureuses, comme Anne-Marie Bouabré, cette monétisation est devenue une nécessité pour assurer la survie financière du groupe, face à des conditions de vie précaires. Cette évolution, bien que souhaitée pour préserver la tradition, soulève des questionnements sur l’authenticité et l’intégrité de cet art ancestral. De plus, la crainte de voir ce patrimoine culturel disparaître sans un soutien financier adéquat pèse sur l’avenir des Pleureuses Bété.
À travers leurs chants empreints d’émotion et de solennité, ces femmes portent en elles l’héritage d’une culture vibrante et riche en histoires. Leur détermination à préserver cette tradition millénaire constitue un hommage vibrant à leurs ancêtres et à la mémoire collective de leur communauté. Dans un paysage en constant changement, les Pleureuses Bété demeurent des figures incontournables, témoignant de la vitalité d’une culture ancrée dans les racines de la Côte d’Ivoire.