Les défis de l’enseignement supérieur en Afrique du Sud : une analyse critique

L’agitation récente suscitée par le mouvement #FeesMustFall en Afrique du Sud a mis en lumière la réelle problématique du coût de l’enseignement supérieur dans le pays, une question à laquelle les institutions doivent faire face année après année.

Le mouvement #FeesMustFall, qui s’est déroulé de 2015 à 2017, a non seulement entraîné d’importantes discussions académiques et une riche littérature, mais a également ouvert de larges débats tant dans le secteur de l’éducation que dans l’opinion publique sur l’avenir des universités sud-africaines.

Les manifestations, caractérisées par des protestations à l’échelle nationale exigeant une diminution des frais de scolarité voire une éducation supérieure gratuite, ainsi que des réformes des programmes d’études, ont marqué un changement par rapport à la relative quiétude des campus depuis 1994.

Dans son ouvrage « Statues and Storms: Leading through Change », l’ancien vice-chancelier de l’Université du Cap, Max Price, apporte un éclairage pertinent sur cette question. Il fournit un contexte et un point de départ pour identifier et analyser les défis auxquels font face les universités sud-africaines et le gouvernement pour atteindre une transformation significative et intelligente ainsi que d’autres objectifs importants, comme l’a souligné par exemple la Commission sud-africaine des droits de l’homme dans son rapport de 2016.

Ce rapport a critiqué les lenteurs observées dans la transformation de l’enseignement supérieur, dues à divers facteurs tels qu’un manque de compréhension commune de la transformation, l’inertie institutionnelle, les défaillances de gouvernance, le sous-financement et le manque de supervision adéquate par le département de l’enseignement supérieur et de la formation.

Il est nécessaire d’examiner et de traiter trois domaines clés de politique publique par le gouvernement.

Tout d’abord, évaluer la qualité de la compréhension du gouvernement de la performance du système d’enseignement supérieur et de la disponibilité de données fiables pour l’élaboration des politiques.

Ensuite, aborder les questions de financement de l’enseignement supérieur. Il n’est pas du tout certain que le contribuable puisse ou doive financer l’obtention de qualifications universitaires.

Enfin, discuter des défis de politique publique liés aux appels à la décolonisation des programmes d’études d’enseignement supérieur. Cela a le potentiel de modifier radicalement la nature de l’éducation supérieure et nécessite donc une forte participation du gouvernement.

Price évoque dans son livre un « paysage institutionnel colonial et une culture de l’UCT ». Cela soulève d’importantes questions de recherche concernant l’adéquation des mécanismes de communication et de réponse dans les universités, les agences gouvernementales et le cabinet dans la période précédant le mouvement #FeesMustFall. Cette question est également cruciale pour déterminer les réformes futures des processus de décision en matière de politique publique de l’enseignement supérieur du gouvernement.

Ces questions incluent : des soumissions faites par divers acteurs tels que les étudiants, les anciens élèves, les associations du personnel et les syndicats qui auraient préfiguré les revendications du mouvement #FeesMustFall ? Ces soumissions ont-elles été efficacement analysées et prises en compte par la direction des universités ? Les organismes de réglementation tels que l’Autorité sud-africaine des qualifications et le Conseil de l’enseignement supérieur, ainsi que les départements gouvernementaux, les commissions parlementaires, les organisations estudiantines affiliées à l’ANC et l’Agence de sécurité de l’État, ont-ils conseillé le gouvernement sur la température politique sur les campus universitaires ?

Les décideurs politiques peuvent ne pas avoir pris au sérieux ces avertissements ou ont peut-être omis de les convertir en politiques concrètes. S’il y avait un manque d’efficacité dans la circulation de l’information et les mécanismes de réponse dans le gouvernement, cela pourrait indiquer l’existence de failles systémiques dans le développement et la mise en œuvre des politiques publiques en matière d’enseignement supérieur.

Une enquête nationale est nécessaire pour identifier de telles lacunes et proposer des réformes aux processus de décision en matière d’enseignement supérieur. Cela pourrait impliquer d’évaluer les performances des organismes de réglementation tels que le Conseil de l’enseignement supérieur et le Comité de la qualité de l’enseignement supérieur (HEQC) afin de garantir qu’ils agissent comme des systèmes d’alerte précoce efficaces pour aider le gouvernement à concevoir des réponses aux pressions émergentes dans les universités. Le gouvernement pourrait envisager d’étendre les responsabilités du HEQC pour englober à la fois un régulateur économique et un régulateur basé sur les plaintes.

Les défis auxquels est confronté le système d’enseignement supérieur comprennent le coût, les revenus, la gouvernance, les programmes d’études et d’autres considérations politiques. Des restrictions presque certaines dans le financement de l’enseignement supérieur pourraient entraîner des perturbations similaires à celles initiées par le mouvement #FeesMustFall en 2015. L’Afrique du Sud doit engager un débat urgent et approfondi sur la manière dont chaque élément de l’enseignement supérieur devrait être financé. Étant donné que notre première responsabilité est sans doute envers les millions de citoyens qui survivent grâce aux allocations sociales, le financement futur de l’enseignement supérieur, quelle que soit sa source, ne doit pas compromettre les améliorations du bien-être des pauvres et des chômeurs. Une question fondamentale est dans quelle mesure les contribuables devraient financer les composantes de l’enseignement supérieur.