La junte au pouvoir au Mali a annoncé jeudi dernier la « résiliation immédiate » de l’accord crucial d’Alger de 2015 avec les groupes indépendantistes du nord du pays. Cet accord, considéré comme vital pour stabiliser le pays, a été l’objet de tensions ces dernières années.
La junte a cité le « changement de posture de certains groupes signataires » et les « actes hostiles et l’instrumentalisation de l’accord par les autorités algériennes » comme raisons de cette résiliation brutale. L’annonce a été faite lors d’une déclaration télévisée par le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement nommé par l’armée.
L’accord d’Alger, déjà considéré comme affaibli, a été confronté à de nouveaux défis en 2023 alors que les hostilités reprenaient entre les groupes indépendantistes, principalement les Touaregs du nord, et l’armée malienne après le retrait de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation intégrée au Mali (MINUSMA) orchestré par la junte.
Au début de l’année 2023, le colonel Assimi Goïta, leader de la junte, a annoncé la mise en place d’un « dialogue inter-malien direct » pour donner la priorité à la propriété nationale du processus de paix.
Dans sa déclaration de jeudi, le gouvernement a officiellement déclaré l' »inapplicabilité absolue » de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, et par conséquent, sa résiliation immédiate. Mohamed Elmaouloud Ramadane, porte-parole du Cadre stratégique permanent, une alliance de groupes armés qui ont signé l’accord de 2015 mais qui ont repris les hostilités l’année dernière, a déclaré : « Toutes les voies de négociation sont désormais fermées. Nous n’avons d’autre choix que de mener cette guerre qui nous est imposée par cette junte illégitime avec laquelle le dialogue est impossible. »
La résiliation de l’Accord d’Alger s’inscrit dans une série de ruptures initiées par l’armée, qui a pris le pouvoir en 2020. La junte a rompu des liens de longue date avec la France et ses partenaires européens, se tournant vers la Russie, et a forcé le départ de la MINUSMA.
Cette résiliation intervient également dans un contexte de relations tendues entre le Mali et son voisin important, l’Algérie, avec lequel le Mali partage des centaines de kilomètres de frontière. Dans une déclaration très virulente, le colonel Maïga a accusé l’Algérie de multiples actes de comportement inamical, d’hostilité et d’ingérence dans les affaires internes du Mali. Le gouvernement a dénoncé la « perception erronée » de l’Algérie sur le Mali, le considérant comme leur arrière-cour ou leur paillasson, témoignant de mépris et de condescendance.
Parmi les divers griefs, la junte a accusé l’Algérie d’héberger des bureaux de certains groupes signataires de l’accord de 2015 qui sont devenus des « acteurs terroristes ». Le régime malien « exige que les autorités algériennes cessent immédiatement leur hostilité ».
Le Mali est en proie à des troubles depuis les insurrections, y compris les mouvements indépendantistes et salafistes, qui ont éclaté dans le nord en 2012. Les groupes dominés par les Touaregs ont pris les armes pour réclamer l’indépendance ou l’autonomie, ce qui a conduit à une insurrection jihadiste liée à Al-Qaïda. La violence a entraîné une intervention militaire française et a plongé le Sahel dans un conflit.
Après un cessez-le-feu en 2014, les groupes armés dominés par les Touaregs et les factions loyalistes ont signé l’accord de paix d’Alger en 2015, qui prévoyait une plus grande autonomie locale et l’intégration des combattants dans une armée « reconstituée » sous l’autorité de l’État.
Cependant, les jihadistes ont continué à combattre l’État au nom d’Al-Qaïda ou de l’État islamique. Le conflit, qui a fait des milliers de morts et déplacé des millions de personnes, s’est propagé au centre du Mali et aux pays voisins du Burkina Faso et du Niger, tous deux ayant connu des coups d’État militaires en 2022 et 2023.
La résiliation de l’Accord d’Alger complique davantage les perspectives de paix et de stabilité déjà difficiles au Mali, suscitant des inquiétudes quant à une intensification des conflits et à des relations régionales tendues.