L’économie technologique a débuté la nouvelle année avec une vague de licenciements, alors même que l’industrie investit massivement dans l’intelligence artificielle.
Si l’idée que l’IA remplace les travailleurs a été une source d’anxiété majeure dans la Silicon Valley au cours de l’année passée, tous les récents licenciements dans l’industrie technologique ne sont pas directement liés à cette technologie.
Cependant, bon nombre des récentes annonces de licenciements font suite à d’importants investissements dans la technologie de l’IA, les entreprises réallouant leurs ressources. Un nombre croissant d’entreprises technologiques mentionnent explicitement l’IA comme étant la raison de la réduction de leurs effectifs.
Cette turbulence continue sur le marché du travail, dans l’industrie même qui crée l’IA, pourrait annoncer d’autres troubles à venir alors que cette technologie est appelée à remodeler le paysage des affaires dans les années à venir.
Plus de 5 500 licenciements dans le secteur technologique en moins de deux semaines
Les récents licenciements dans le secteur technologique touchent une variété de postes, aussi bien dans les grandes entreprises technologiques que dans les start-ups plus petites.
Les géants technologiques Google et Amazon ont tous deux annoncé d’importants licenciements cette semaine, touchant des centaines de travailleurs dans différentes divisions. Ces annonces interviennent après que les deux entreprises aient séparément investi plusieurs milliards de dollars dans la start-up en IA, Anthropic.
Cette semaine également, la plateforme sociale Discord a annoncé la suppression de 17 % de son effectif. Unity Software, responsable de la technologie utilisée dans des jeux mobiles populaires tels que Pokémon Go, a annoncé une réduction de 25 % de ses effectifs. L’application d’apprentissage des langues, Duolingo, a également licencié environ 10 % des travailleurs sous contrat.
Au total, plus de 5 500 employés du secteur technologique ont perdu leur emploi en moins de deux semaines, selon les données compilées par Layoffs.fyi.
Ces dernières coupes dans le secteur technologique font suite à deux années très difficiles pour l’industrie, marquées par des centaines de milliers de licenciements en raison de la baisse de la demande due à la pandémie.
En 2023, on a enregistré pas moins de 262 682 licenciements dans l’industrie technologique, selon les données de Layoffs.fyi, contre 164 969 licenciements l’année précédente.
La diminution de la demande due à la pandémie et l’inquiétude suscitée par l’IA
Selon Roger Lee, fondateur d’une start-up qui suit de près les licenciements dans l’industrie technologique via son site Layoffs.fyi, de nombreuses entreprises technologiques cherchent encore à « corriger les excès d’embauche lors de la hausse induite par la pandémie ».
L’arrivée de la pandémie de Covid-19 a entraîné une demande croissante pour les services numériques, car les gens du monde entier étaient contraints de travailler, socialiser et faire leurs achats depuis leur domicile. Dans ce contexte, l’industrie technologique a commencé à embaucher massivement. Cependant, avec la levée des restrictions sanitaires au fil des années et l’incertitude économique plus générale, l’industrie technologique a connu une contraction sans précédent depuis l’éclatement de la bulle Internet en 2000, entraînant la suppression de dizaines de milliers d’emplois en succession rapide.
Bien que Lee affirme que le contexte économique difficile ait duré plus longtemps que prévu, il ajoute qu’un nombre croissant d’entreprises technologiques citent l’IA comme étant la raison des licenciements.
L’année dernière, des entreprises telles que Chegg, IBM et Dropbox ont évoqué l’essor de l’IA comme raison de réévaluer leurs effectifs. Plus récemment, Duolingo et même Google ont suggéré la même chose, cherchant à mobiliser leurs ressources pour profiter du boom de l’IA.
Alors que l’impact complet de l’IA sur le marché du travail se révèle encore, des chercheurs ont estimé que des centaines de millions d’emplois dans le monde pourraient être impactés, bien que cette technologie puisse également avoir le potentiel de créer de nouveaux emplois à l’avenir.
Des économistes de Goldman Sachs ont déclaré dans une note de recherche en mars dernier que jusqu’à 300 millions d’emplois à temps plein dans le monde pourraient être perdus ou réduits en raison de la montée en puissance de l’IA générative, et que les travailleurs de cols blancs semblaient être les plus exposés. Des recherches distinctes indiquent également que les emplois occupés par des femmes pourraient être disproportionnellement impactés par l’adoption de l’IA par les entreprises dans les années à venir.
Les impacts disparates des licenciements dans l’industrie technologique suscitent l’attention
Alors que les licenciements se poursuivent dans l’industrie technologique, les défenseurs des travailleurs et même les législateurs commencent à prendre conscience de la situation.
Les travailleurs de Google qui ont perdu leur emploi cette semaine ont été choqués d’apprendre leur licenciement par e-mail, selon Parul Koul, ingénieur logiciel chez Google et président du syndicat informel des travailleurs d’Alphabet, un groupe affilié à la CWA qui organise les travailleurs de la société mère de Google, Alphabet.
Koul a qualifié les licenciements de « nécessaires et contre-productifs » dans une déclaration à CNN vendredi, dénonçant « l’avidité des entreprises ».
Les licenciements créent « le chaos et l’instabilité sur le lieu de travail et obligent les travailleurs à se contenter de moins », a ajouté Koul, affirmant que même ceux qui conservent leur emploi « travaillent dans une anxiété constante, craignant d’être les prochains sur la liste ».
Pour sa part, Google a déclaré que ces licenciements visent à rendre les équipes « plus efficaces et à améliorer leur travail », et qu’il soutient les employés touchés « dans leur recherche de nouveaux emplois ou de nouvelles opportunités ».