« Cyanika : Une Nouvelle Ère de Libre Circulation entre la RDC et l’Ouganda »

Cyanika : la nouvelle ère de libre circulation entre la RDC et l’Ouganda

Cyanika, 5 janvier 2024, il est 21h27 au poste-frontière de Cyanika lorsque les premiers bus en provenance de Gisenyi font leur apparition. Depuis que la frontière est exempte de frais de visa, voyager entre le Rwanda et l’Ouganda par la route est désormais beaucoup plus abordable pour les Congolais.

Ce trajet, qui prend tout au plus 10 heures, était auparavant entravé par les régulations de vitesse du côté rwandais. Mais aujourd’hui, pour seulement 25 dollars américains, soit entre 75 000 et 80 000 shillings ougandais, il est possible de quitter la RDC et de rejoindre Kampala tôt le matin.

Dans l’obscurité, dans le froid glacial de Cyanika, on peut apercevoir les contours de la frontière se dessiner, et c’est dans cette ambiance que des scènes de liesse éclatent à l’arrivée des premiers bus bondés en provenance de Gisenyi. Chants, danses et embrassades célèbrent bruyamment cette nouvelle ère de libre circulation avec le voisin ougandais.

Au milieu de cette agitation, Henriette, 50 ans, peine à retenir ses larmes. « Je traverse cette frontière deux fois par semaine pour mon petit commerce de pagnes. Avant, le visa me coûtait 300 dollars par mois. C’était impossible à supporter », sanglotte-t-elle, le regard tourné vers l’Ouganda.

Autour d’elle, des dizaines de ses compatriotes expriment également leur soulagement. Enfin, ils peuvent voyager librement pour rendre visite à leur famille ou faire des affaires de l’autre côté, sans craindre les tracas et les frais de visa qui s’élevaient à 50 USD par personne.

De leur côté, les douaniers ougandais observent avec amusement et circonspection cette agitation nocturne sans précédent. « Il va falloir s’habituer à cette liesse quotidienne », commente l’un d’entre eux après le passage bruyant d’un bus.

Quelques camions de marchandises, autrefois rares entre les deux pays, franchissent également la frontière dans la foulée. C’est la preuve que ce réchauffement spectaculaire des relations entre la RDC et l’Ouganda porte déjà ses fruits. L’adhésion controversée de la RDC à la Communauté de l’Afrique de l’Est, voulue par le président Tshisekedi depuis son accession au pouvoir, apparaît aujourd’hui comme une visionnaire.

« Ces échanges économiques entre nos pays vont exploser grâce à la liberté de circulation retrouvée », se réjouit un chauffeur congolais en déchargeant des sacs de manioc à Cyanika.

Un agent ougandais de migration, qui a requis l’anonymat, acquiesce, bien qu’un peu dépassé par l’ampleur inédite des mouvements transfrontaliers. « Une page historique se tourne définitivement entre la RDC et l’Ouganda », déclare-t-il.

La population frontalière célèbre déjà avec passion cette nouvelle ère. Au fil des heures, le flot des arrivées ne tarit pas. Chaque passeport tamponné est salué par des cris de joie et des embrassades avec les personnes déjà passées. De l’autre côté, à quelques mètres de la barrière donnant accès au poste frontalier, des chauffeurs de Boda-boda (moto-taxis) ougandais attendent pour emmener clients et bagages.

Un jeune Congolais, guitare en bandoulière, entonne alors « Africa Unite » de Bob Marley, bientôt repris en chœur par la foule en liesse. Femmes, enfants, personnes âgées… toutes les couches de la société frontalière sont représentées pour célébrer ce pas concret vers l’intégration continentale, rêvé par les pères fondateurs.

L’euphorie historique de cette journée se lit aussi dans le regard de Balikuddembe, un octogénaire ougandais. Assis sur un vieux tabouret en bois, il contemple silencieusement les scènes de liesse. « J’avais 15 ans en 1963 lorsque les frontières ont été tracées après l’indépendance. Je me souviens des tensions, des familles brutalement séparées… Aujourd’hui, j’assiste, ému, aux retrouvailles de nos deux peuples », confie-t-il, les yeux embués de larmes.

Sur cette file d’attente interminable menant aux bureaux de l’immigration à Cyanika, la priorité est accordée aux personnes âgées, aux femmes enceintes, aux personnes vivant avec un handicap et aux femmes avec enfants. Soudain, un jeune couple mixte congolais-ougandais franchit la frontière en sens inverse, un bébé dans les bras. Ce petit garçon, né à Kampala quelques semaines plus tôt, est le premier enfant officiellement déclaré citoyen des deux pays depuis l’exemption des visas…

La nuit est déjà bien avancée lorsque les premiers bus en provenance de Gisenyi laissent place à un flot incessant de voyageurs célébrant dans la liesse populaire la nouvelle exemption de visa entre la RDC et l’Ouganda.

Cette nuit restera à jamais gravée dans les mémoires comme le début d’une ère nouvelle entre deux peuples. Grâce à la vision avant-gardiste du président Tshisekedi, avec l’adhésion de la RDC à la Communauté de l’Afrique de l’Est, l’intégration devient enfin une réalité à Cyanika, tout comme dans d’autres postes frontaliers en ce 6 janvier 2024.

Claudine N. I.